Le corps expéditionnaire britannique commence à débarquer à Boulogne-sur-Mer, au Havre et à Rouen pour venir prêter main forte au peuple belge. On commence à entendre It’s a Long Way to Tipperary de l’autre côté de la Manche (un air de music-hall de 1912).
Alors que l’Etat-major français pense les armées ennemies encore retenues au Nord de la Belgique par la résistance liégeoise, des Allemands tentent de pénétrer dans les lignes françaises, dans le nord du département de la Meuse. A Mangiennes, un mouvement important de troupes est signalé. La 87e brigade du général Cordonnier est envoyée pour apporter son soutien au 4e corps d’armée du Mans, avec des hommes du 120e RI et des batteries de 75 du 42e régiment d’artillerie. En quelques heures, le 21e régiment de dragons et trois compagnies de chasseurs allemands ont cessé d’exister. Les Français emmènent une vingtaine de prisonniers. Même si les Français ont connu des pertes, la joie et le sourire sont sur les visages. Le bon général Cordonnier prend la parole devant ses hommes, le lendemain, et leur dit « Venez mes chasseurs que je vous raconte ce qui s’est passé hier » avant d’enchaîner « Allons, la guerre sera bientôt terminée… D’ailleurs on va attaquer. »
Le jour même, à Stenay (Meuse), le jeune Michel Gardez, du 120e RI, envoie une lettre à ses parents à Fontaine-sur-Somme, ne leur donnant aucune information sur le contexte local :
Bien chers parents et ma petite Micheline
(nos lettres sont contrôlées avant) leur départ pour se rendre compte que si l’on ne communiquait pas d’ordre ou de nouvelles au sujet de la situation actuelle qui se déroule en ce moment critique et dangereux, c’est donc pour cela que, dès à présent, l’on ne puit plus vous donner d’autres nouvelles que l’état de notre santé ou quelques fois quelques nouvelles particulières de la maison ou de ses amis qui ne renseigneraient en aucun ordre de la situation journalière, si au cas les lettres viendraient à s’égarer ou à être lues par des espions allemands ou étrangers.
Donc je vous écris quand je le peux de manière à vous donner l’état de ma santé. En ce moment, tout va très bien. Je suis bien portant. Je bois et mange bien sans me priver de rien, en espérant qu’il en sera toujours de même et que tout ira bien.
En ce moment, il fait une période très chaude et l’on prend de bonnes suettes sur les routes poussièreuses ce qui vous accable encore plus , mais enfin, l’on ne se plaint pas jusqu’à présent.
Michel Gardez – 120e Régiment d’infanterie 11e Cie Stenay Meuse
Après les belges, ce sont les populations françaises qui commencent à subir des exactions de la part des Allemands. Par l’Est, des troupes sont entrées en France dès le 4 août et commencent à investir des villages de Meurthe-et-Moselle à proximité de la frontière du territoire annexé d’Alsace-Moselle.
Dans le carnet de guerre écrit par un lieutenant allemand du 20e régiment d’infanterie bavaroise, on peut lire : « à Nonhigny, des habitants tirent par derrière sur les troupes entrant dans le village. Coup de feu sur notre compagnie. Personne n’est atteint. Nonhigny est incendiée ».
D’où venait ce coup de feu en ce 10 août 1914 ? En 1925, dans un journal français, l’incident sera évoqué dans d’autres termes : « Un soldat bavarois en état d’ivresse ayant tiré un coup de fusil, les Allemands prétendirent que les habitants avaient fait feu sur leurs troupes ».
Le lendemain, la même situation sera connue à Vaucourt, puis le 13 août à Blamont, communes qui seront également incendiées.
Un médecin bavarois évoquera sa version des faits, à Blamont, le 13 août : « le gendarme Rindele de Tutzing fut visé par des femmes. Le casque porte encore des trous. Un cafetier tira sur nos troupes en sortant un simple revolver. Au coin de l’Hôtel de ville il fut fusillé environ un quart d’heure après un arbitrage judiciaire (…). Au moment suivant, vint le feu d’une mitrailleuse. Résultat, deux morts et plusieurs blessés de notre côté. Et côté français, plus tard, deux éxecutions judiciaires de civils et deux maisons incendiées. Combien d’exécutions judiciaires se produisirent dans Blamont, je ne le sais pas, parce que chaque troupe exécute la peine toujours immédiatement et les rapports à ce sujet ne sont faits qu’au commandement général ».
La version officielle de la présence de « francs-tireurs » hostiles, pouvant justifier les massacres de civils en Belgique et en France, sera celle développée par les Allemands pendant tout le mois d’août 1914. Il faudra attendre l’après-guerre pour que d’autres versions voient le jour.
A propos de Blamont, Otto von Berchem, officier bavarois, écrira plus tard dans ses mémoires, une toute autre version de l’affaire :
« Il est advenu ici un épisode d’ivresse plutôt désagréable, qui a pris fin avec une fusillade générale dans le village. Des habitants auraient prétendument tiré des maisons. Un homme a également été arrêté et doit être martialement fusillé le lendemain. J’étais convaincu qu’il était complètement innocent et que nos gens dans l’excitation de l’ivresse s’était mutuellement tirés dessus. »
RETROUVEZ TOUTES LES CHRONIQUES QUOTIDIENNES DU DEBUT DE LA GRANDE GUERRE, A PARTIR DU 28 JUILLET 1914, EN CLIQUANT ICI
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