Mes biens chers parents et ma chère sœur
Rassurez-vous car mes nouvelles d’aujourd’hui sont meilleures que les dernières que je vous ai envoyées. Nous étions vendredi à Jametz et bien nous avons eu ordre de retourner sur nos pas pour garder les ponts et le village de Louppy où nous couchons.
Les nouvelles que nous recevons de temps en temps sont plus rassurantes car d’après les journaux, les dépêches et les paroles de nos chefs, il paraît que l’Allemagne ne veut plus parler de guerre, car ils voient que les puissances étrangères viennent en trop grand nombre à notre secours, et à présent, ils commencent à voir la catastrophe que leur serait inévitable si toutes ces puissances se mêlaient à cette déclaration d’arrangement, donc nous sommes tous bien contents si tout continue à bien aller comme jusqu’ici.
Car vous dire ce que nous sommes de soldats en ce moment pour garder ces maudits casques à pointes, c’est incroyable.
Je dirais, pendant les deux dernières nuits, tout ce qu’il est passé de camarades de tous régiments de centre, il paraît, nous a-t-on dit, que nous sommes presque 200 000 hommes sur ce petit bout de frontière que nous occupons en ce moment pour soigner tout le terrain, les ponts, forêts et lignes de chemin de fer, etc, etc.
Michel Gardez – le 2 août 1914 à 14h – Louppy-sous-l’Oison
Le jeune Michel Gardez, de Fontaine-sur-Somme, caserné avec le 120e régiment d’infanterie de Péronne, à quelques kilomètres de la frontière belge, depuis le 9 octobre 1913, voit arriver, ce 2 août 1914, de nombreux réservistes. Il assiste également à l’arrivée de régiments venant de l’Ouest et du Centre de la France. L’armée française se prépare à défendre la frontière avec la Belgique. Les troupes allemandes sont maintenant prêtes à traverser, du nord au sud, le territoire de nos voisins belges.
La neutralité de la Belgique était incontestée. Elle avait été ratifiée par les grandes nations européennes en 1839, et n’était pas remise en question.
Le 2 août 1914, l’Allemagne va traverser la Belgique, mais elle doit s’assurer que la neutre Belgique n’opposera aucune résistance. Elle lance un ultimatum aux Belges, dont les termes ne laissent aucune ambiguïté : « L’Allemagne n’a en vue aucun acte d’hostilité contre la Belgique. Si la Belgique consent dans la guerre qui va commencer à prendre une attitude bienveillante vis-à-vis de l’Allemagne, le gouvernement allemand, de son côté, s’engage à garantir au moment de la paix l’intégrité et l’indépendance de la Belgique dans toute leur ampleur ». Mais surtout, le dernier article de l’ultimatum sonne comme une terrible menace : « Si la Belgique se comporte d’une façon hostile contre les troupes allemandes et particulièrement fait des difficultés à leur marche en avant par la résistance des fortifications de la Meuse ou par des destructions de routes, de chemins de fer, tunnels ou autres ouvrages d’art, l’Allemagne sera obligée, à regret, de considérer la Belgique en ennemie ».
Les Belges ressentent l’injure que leur font les Allemands en demandant le libre passage pour aller envahir la France amie. La Belgique répond à cet ultimatum que « l’atteinte à son indépendance dont la menace le gouvernement allemand constituerait une flagrante violation du droit des gens. Aucun intérêt stratégique ne justifie la violation du droit ». La neutre Belgique a choisi son camp. Elle le paiera très cher.
RETROUVEZ TOUTES LES CHRONIQUES QUOTIDIENNES DU DEBUT DE LA GRANDE GUERRE, A PARTIR DU 28 JUILLET 1914, EN CLIQUANT ICI
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