ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – pauvre Charlotte !

Né le 5 juillet 1885, Emilien CHRISTOPHE est le fils d’Edouard CHRISTOPHE et d’Isabelle TELLIER.

Edouard CHRISTOPHE, enfant de l’assistance publique de Paris, épouse Isabelle TELLIER à Franleu le 29 novembre 1873. Isabelle est née à Mons-Boubert. Avant son mariage, elle réside avec son père, meunier à Franleu.

Edouard et Isabelle s’installent dans la rue de l’Eglise. Le jeune marié exerce le métier d’ouvrier agricole puis il devient jardinier pépiniériste. La famille s’agrandit rapidement. Gustave est leur premier enfant. Il est suivi par Pierre, Marie, Armand, Emilien, Gabrielle, Charlotte, Edmond et Léontine, prénoms des enfants qui survivent à la mortalité infantile. La fratrie se compose donc de cinq garçons et quatre filles.

Le maigre salaire du père ne suffit pas à nourrir toutes les bouches. Gustave et Pierre, les aînés de la fratrie ne sauront jamais lire et écrire. La vie impose d’autres priorités que l’école.

Alors qu’il n’est encore qu’un enfant, Emilien devient bûcheron comme le sont ses aînés et comme le sera aussi son frère cadet.

A vingt ans, Emilien est convoqué devant le Conseil de Révision de Saint-Valery-sur-Somme. Jugé apte, il est affecté au 128e Régiment d’Infanterie d’Abbeville. Il franchit le portail de la caserne Courbet pour débuter les deux années de son service militaire le 6 octobre 1906. Quelques mois plus tard, il tombe malade. Il est réformé le 23 février 1907 pour « tuberculose des organes urinaires ».

Le 2 avril 1910, Emilien CHRISTOPHE épouse Charlotte GRISELLE du village voisin d’Acheux-en-Vimeu. Charlotte réside plus précisément dans le hameau de Frireulles. Elle vit avec sa mère devenue veuve, ses sœurs Antoinette et Clarisse et ses frères Eloi et Flavien. Charlotte est l’aînée de la fratrie, la « grande sœur ». Si Charlotte se marie, elle ne s’éloigne pas de ses frères et sœurs. Emilien et Charlotte s’installent à côté de la maison d’Augustine GEST veuve GRISELLE, la mère de la mariée.

En août 1914, il y a trois enfants dans la petite maison du couple que forme Emilien et Charlotte. Ils se prénomment Charles, Maurice et Marguerite. Le père de famille échappe à la Mobilisation générale. Son dossier médical nécessite qu’une commission l’examine ultérieurement. Contrairement à son frère aîné, Gustave réformé pour ulcère variqueux, Emilien sera jugé apte quelques mois plus tard.

Les trois autres frères CHRISTOPHE sont mobilisés dès le mois d’août 1914. Armand part le 2 août, Pierre le 12 août, quant à Edmond, le benjamin, étant déjà sous les drapeaux pour effectuer son service militaire au 29e Régiment d’Artillerie, il est envoyé combattre dès les premiers jours du conflit.

Eloi GRISELLE est le seul frère de Charlotte en âge de partir à la guerre. Lui aussi, comme Edmond CHRISTOPHE, est au service militaire en 1914. Il a été affecté au 120e Régiment d’Infanterie.

Emilien CHRISTOPHE est examiné par une commission médicale le 11 décembre 1914. Il est alors reconnu « apte au service armé ». Mobilisé le 16 février 1915, il rejoint le dépôt du 87e Régiment d’Infanterie à Quimper pour y suivre une formation de plusieurs semaines. Au printemps 1915, Emilien est envoyé combattre. Son régiment est positionné dans le secteur des Eparges près de Verdun. Emilien sait déjà que rien ne sera plus comme avant. Même s’il survit à l’enfer des tranchées !

Son frère Pierre est mort. Ayant été gravement blessé aux jambes et dans la région lombaire, il s’est éteint le 1er janvier 1915 à l’hôpital de Reims.

Son beau-frère Eloi GRISELLE, le frère de Charlotte, est mort quelques semaines plus tôt. Il a succombé fin novembre 1914 à ses blessures à l’hôpital de Sainte-Menehould dans la Marne.

Après la Meuse, Emilien connaît ensuite les champs de bataille de Champagne. Le 9 octobre 1915, près de Tahure, il est blessé à la cuisse gauche par éclats d’obus. Quand il revient au front quelques mois plus tard, le 87e RI s’apprête à rejoindre le département de la Somme. En juillet 1916, les hommes du 87e arrivent dans le secteur de Belloy-Barleux près de Péronne. Le 15 septembre, ils mènent une attaque et parviennent à conquérir la tranchée 338 et la tranchée de Calmon. Les pertes sont nombreuses. Emilien CHRISTOPHE est blessé à la main gauche et évacué vers l’arrière.

C’est aussi dans la Somme qu’Edmond, le benjamin de la fratrie CHRISTOPHE, est grièvement blessé en novembre 1916. Il meurt quelques jours plus tard à Estrées.

Pour Emilien CHRISTOPHE, de retour de convalescence, la guerre continue. Le 87e RI est à nouveau dans la Meuse. L’hiver 1917-1918 est particulièrement humide et froid. La maladie tue presque autant que les obus. Le gaz, la tuberculose et la grippe espagnole déciment les régiments…

Emilien est évacué du front et transporté vers l’hôpital complémentaire de Caen. Il y décède de maladie le 27 août 1918.

Charlotte est veuve. Après avoir perdu son père alors qu’elle n’avait que douze ans, Charlotte a perdu son mari, son frère Eloi et deux de ses beaux-frères à cause de la guerre. Charlotte a également perdu plusieurs amis de Frireulles, des jeunes hommes de leur génération qu’Emilien et elle prenaient plaisir à rencontrer. Leur voisin, Charles, le fils du fermier Auguste TAVERNIER est mort. Gustave HY le plus jeune fils d’Adélaïde, pauvre veuve qui tentait de faire vivre sa petite ferme avec l’aide de ses deux garçons, lui aussi a été tué.

Quel sens peut alors la vie pour Charlotte ? Poursuivre l’éducation de ses enfants et tenter de survivre. Seulement survivre… Pauvre Charlotte !

Emilien CHRISTOPHE

Charlotte est restée à Frireulles avec ses trois enfants. Elle ne s’est jamais remariée. Les garçons, puis Marguerite, sa fille unique, ont quitté la maison. Charles et Maurice sont devenus couvreurs. Charlotte a travaillé comme ouvrière agricole dans la ferme de son voisin, Gaston BOULAIN, un homme né en 1885 comme Emilien qui avait eu la chance de revenir vivant de l’enfer. Abîmé mais vivant.

Le nom d’Emilien CHRISTOPHE est inscrit sur le monument de Frireulles comme l’est celui de son beau-frère Eloi GRISELLE. Les noms de Pierre et d’Edmond CHRISTOPHE ont été gravés sur celui de Franleu, village où ils habitaient avant la guerre.

Charlotte est décédée à Frireulles en 1949, à l’âge de 64 ans. Victime s’il en est des conséquences de la Grande Guerre, son nom n’est inscrit sur aucun monument.

Xavier BECQUET

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