Né le 13 juin 1893, Florent-Rosa DAIRAINES est le fils de Rose FREVILLE et de Florent DAIRAINES.
Florent, le père, est cordonnier et Rose, après avoir été blanchisseuse, devient modiste.

Ils résident au bord de la route nationale à Miannay.
Miannay est un charmant village de l’ouest du département de la Somme situé dans la vallée de la Trie, petite rivière qui prend sa source dans le village de Toeufles. La commune est traversée par la route de grande circulation qui relie Abbeville au Tréport.

Florent-Rosa est l’enfant unique du couple pendant près de dix ans. Une petite sœur prénommée Eugénie vient compléter la fratrie en 1903. Il n’y aura pas d’autre enfant.
Après avoir quitté les bancs de l’école des garçons dirigée par Charles CARTON, Florent-Rosa apprend le métier de cordonnier avec son père.

A 20 ans, Florent-Rosa se présente devant les membres du Conseil de Révision installés dans la mairie de Moyenneville. Il est déclaré apte au service armé. Le 27 novembre 1913, il prend le train en gare de Quesnoy-le-Montant pour rejoindre la caserne de Stenay dans la Meuse. Le 120e Régiment d’Infanterie où il est affecté vient d’être transféré de la caserne Foy de Péronne à la caserne Chanzy de Stenay, au nord du département de la Meuse.
Huit mois après son arrivée à Stenay, la guerre est déclarée. Positionnés à quelques kilomètres seulement de la frontière belge, les jeunes appelés du 120e RI savent qu’ils seront parmi les premiers à être envoyés combattre les Allemands dès que ces derniers tenteront de violer le territoire national.

Le 22 août 1914, la grande offensive lancée par le général Joffre est un échec. Plus de 25 000 Français perdent la vie. Le 120e RI est un des régiments de la région militaire d’Amiens les plus touchés. Sur les 3 000 hommes partis au combat dans la plaine du Radan à Bellefontaine, petit village belge situé à une dizaine de kilomètres de la frontière, plus de 1 000 sont mis hors service. Le nombre de tués dans le régiment est évalué à près de 600.
Florent-Rosa est sain et sauf, mais plusieurs copains du secteur ont perdu la vie : Raymond HEDIN de Quesnoy-le-Montant, Raphaël DARAGON, Alphonse DERAY, Henri EMMANUEL de Huchenneville, Henri DARAN de Yonval, Julien FLICOT de Toeufles… Il ne s’agit plus d’exercices ou de manœuvres comme Florent-Rosa a pu en connaître pendant son instruction militaire. Les copains ne se relèvent pas. Leur sépulture sera pour toujours en Belgique.

La guerre de mouvement continue pour les rescapés. Les hommes du 120e combattent dans le sud de la Marne, début septembre 1914, près de Sermaize-les-Bains, puis ils connaissent le début de la guerre des tranchées en Argonne, de la mi-septembre 1914 au mois de février 1915. Les conditions de vie sont épouvantables et la maladie tue presque autant que les armes.
Florent-Rosa poursuit son chemin de croix alors que les visages connus sont de plus en plus rares autour de lui. Après une année de guerre, les copains qui étaient au service militaire avec lui ne sont plus que quelques dizaines au sein du régiment. Florent-Rosa sait que son tour arrivera. Obligatoirement !
Le 25 octobre 1915, alors que le 120e est positionné en Champagne près de Mesnil-les-Hurlus, Florent-Rosa est légèrement blessé. Il est soigné dans l’ambulance régimentaire et peut repartir au combat quelques jours plus tard.

Le miracle se poursuit…
Le 28 avril 1916, Florent-Rosa quitte le 120e. Il est transféré au 153e Régiment d’Infanterie. Nommé caporal en juillet 1916 et sergent en juin 1918, Florent-Rosa finit par croire au miracle. Il n’a jamais été évacué et n’a jamais quitté le front depuis le début de la guerre. Aucune blessure grave ! Aucune maladie grave !
Avec l’arrivée des troupes américaines, la dernière offensive des Français destinée à chasser définitivement l’envahisseur semble apporter des résultats très positifs. Au début de l’été 1918, le 153e RI est dans le sud de l’Aisne. Les Allemands ont complètement quitté le territoire du département de la Somme.
Le 1er juillet 1918, les hommes du 153e coopèrent avec les Américains à la prise du village de Vaux poussant des incursions dans le bois de la Côte 204 et le bois Courteau. Le 6 juillet, les Français reprennent le bois Courteau aux Allemands. Les combats sont particulièrement meurtriers dans ce qui sera appelé la 2e Bataille de la Marne.

Florent-Rosa DAIRAINES est blessé. Sa jambe droite a été touchée. Plusieurs balles ont perforé la cuisse. Le miracle n’a pas eu lieu ! Après presque 4 années de combat permanent, au cœur des champs de bataille les plus meurtriers, Florent-Rosa finissait par se sentir invulnérable…
Il est évacué à l’arrière et transporté vers un hôpital en Normandie. Le verdict des médecins est hélas sans ambiguïté : il faut amputer !
Florent-Rosa est réformé temporairement par la Commission de Réforme de Caen puis démobilisé définitivement en juillet 1919. Il perçoit une pension de 80% pour « amputation de la jambe droite avec appareil prothétique suite plaie par balle. »
Florent-Rosa DAIRAINES a quitté son village de Miannay. Bénéficiant d’un emploi réservé aux estropiés de guerre, il a été embauché par la Compagnie des Chemins de fer en décembre 1919. Il s’est installé à Abbecourt près de Chauny dans l’Aisne. Il est garde-barrière.

Devenu conseiller municipal de sa nouvelle commune en 1936, Florent-Rosa a été nommé chevalier de la Légion d’honneur le 31 décembre 1942 en reconnaissance du sacrifice qui a été le sien pendant la Grande guerre. La médaille lui a été remise par Etienne RIMBERT, président des mutilés et anciens combattants de La Fère.
Alors que son père a continué à exercer son métier de cordonnier à Miannay jusqu’à la fin de sa vie, Florent-Rosa DAIRAINES n’a pu suivre la même voie.
Florent-Rosa, que beaucoup ont appelé simplement Rosa pendant toute sa vie, est mort le 3 avril 1956 à Abbecourt dans l’Aisne, à l’âge de 62 ans.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
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