Né le 14 août 1888, Adrien PIETROWISKO est le fils de Mélanie DACHEUX et d’Octave PIETROWISKO.
Mélanie réside à Hargicourt, petit village entre Moreuil et Montdidier construit dans la vallée de l’Avre. Mélanie n’a que 19 ans quand naît Adrien. Deux ans plus tard, Mélanie met au monde un autre enfant prénommé Lucien. C’est en 1896, avec le mariage de Mélanie et d’Octave, qu’Adrien et Lucien se voient officiellement attribuer le patronyme PIETROWISKO.

Mélanie et Octave s’installent dans une petite maison de la rue de Braches à Hargicourt. Deux enfants viennent compléter la fratrie : Lucienne née en février 1897 et Stéphane en septembre 1898.
Octave PIETROWISKO est le petit-fils d’un réfugié polonais né à Lublin. Son grand-père, François-Joseph, est arrivé en France au début des années 1830.

Le royaume de Pologne s’est soulevé en novembre 1830 contre les abus de la tutelle russe. La répression qui a suivi les huit mois d’insurrection est particulièrement violente. De nombreux Polonais quittent le pays dans ce qui est appelé « La Grande Emigration ». La France attire la majorité des réfugiés polonais. Près de 10 000 viennent s’y réfugier. Bien mieux accueillis dans les campagnes que dans les villes, ils tentent de chercher du travail dans les communes du Nord et de l’Est de la France.
Pourquoi François-Joseph PIETROWISKO choisit-il comme destination Hargicourt, petit village agricole de la Somme, à 20 km au Sud-Est d’Amiens, où il arrive en 1836 ? Nous ne le savons pas. François-Joseph s’installe dans la rue Ducroquet à côté de la famille QUENTIN, une famille de charpentiers. Le fils, Stanislas QUENTIN a épousé Ludivine BECU. Le 11 juin 1839, François-Joseph se marie avec Marie BECU, la sœur de Ludivine. Stanislas et François-Joseph deviennent beaux-frères. Comme son beau-père et son beau-frère, François-Joseph devient charpentier. Ses fils seront eux-aussi charpentiers.
Au début du XXe siècle, son petit-fils, Octave PIETROWISKO, le père d’Adrien, de Lucien, de Lucienne et de Stéphane, exerce lui aussi le métier de charpentier. Ses deux premiers fils ne suivront pas la même voie.

La famille PIETROWISKO réside dans la rue de la Gare à Hargicourt. Le village qui compte un peu plus de 300 habitants, a la chance de disposer d’une station sur la ligne de chemin de fer qui relie Amiens à Compiègne. Il n’y a aucune industrie à Hargicourt. L’activité est très majoritairement liée à l’agriculture. Plusieurs habitants travaillent à Le Hamel, village voisin, dans la cartonnerie ou dans la fabrique de bonneterie.
A Hargicourt, il y a un château. Construit par la famille de CONTI au début du XVIIIe siècle, il est habité, après la Révolution française, par les familles du PUGET et ESPIVENT DE LA VILLESBOISNET puis au début du XXe siècle par la comtesse GASPARD de BOURBON-CHALUS. Adrien PIETROWISKO y travaille comme palefrenier.

Son frère, Lucien, est employé comme jardinier dans un autre château du secteur, celui de Charles BEAUREPAIRE, au lieu-dit Filescamps, sur le territoire du village voisin de Braches.
Au retour de son service militaire, Adrien PIETROWISKO épouse Georgette DOUZENEL, originaire de Ville-le-Marclet et retrouve son emploi au château d’Hargicourt. En 1912, il change d’orientation et devient employé de la Compagnie de Chemin de fer du Nord.

Appelé sous les drapeaux en octobre 1911, Lucien PIETROWISKO est libéré du service militaire le 8 novembre 1913. Il poursuit son activité de jardinier.
Quand moins de 9 mois plus tard, la guerre est déclarée, Adrien et Lucien PIETROWISKO sont, tout naturellement, mobilisés. Si leur arrière-grand-père, François-Joseph, n’a jamais demandé sa naturalisation, les deux frères sont bien des citoyens français et à ce titre, ils doivent remplir leur devoir patriotique…
Employé des chemins de fer, Adrien est affecté au 2e Escadron du Train des Equipages à Amiens. Il servira son pays en tant que chauffeur de machine à vapeur.
Lucien rejoint le 29e Régiment d’Artillerie de Laon.

La guerre semble épargner la famille PIETROWISKO. Les deux frères aînés, que seules deux années séparent, sont des survivants. Lucien subit sa première blessure le 3 juin 1918 à Coeuvres dans l’Aisne. Il est blessé par éclat d’obus à la face. Il en gardera une cicatrice sur la joue gauche toute sa vie. Adrien n’est pas blessé et peut retrouver son emploi au chemin de fer, emploi qu’il abandonne quelques mois après sa démobilisation pour devenir ouvrier agricole. Lucien reprend son emploi de jardinier avant d’être commis marchand de grains chez BARBION à La Faloise.
Leur beau-frère, Marcel BAILLET, le mari de Julienne est également revenu vivant. Comme pour Adrien PIETROWISKO, son emploi au chemin de fer avant la guerre lui a évité certainement le pire…

La guerre a-t-elle vraiment épargné la famille PIETROWISKO ?
Stéphane, le benjamin de la fratrie, est né le 25 septembre 1898. Contrairement à ses frères, Stéphane veut exercer l’activité de charpentier, comme 3 générations PIETROWISKO l’ont fait avant lui. Quand la Mobilisation générale est décrétée, le 1er août 1914, il n’a que 15 ans. Il est trop jeune pour être mobilisé. Il voit partir les copains d’Hargicourt, de Pierrepont, de Contoire, du Hamel des classes 1914, puis 1915 et 1916. L’attente devient insupportable.

(photo mise à disposition par Dominique BERNARD)
Le 28 novembre 1916 à la mairie du Havre, Stéphane PIETROWISKO s’engage volontairement dans l’Armée française pour 3 ans. Cet engagement est le seul moyen pour lui d’être mobilisé. Stéphane ne veut pas être considéré comme un « embusqué » alors que tant d’hommes bien moins solides que lui ont déjà perdu la vie. Apprenti-marin au port de Cherbourg, il est affecté au contre-torpilleur « La Flamberge ». Après avoir mouillé à Cherbourg et à Brest, « La Flamberge » est envoyée avec la 10e Escadrille de contre-torpilleurs à Salonique.

Le 1er novembre 1918, Stéphane PIETROWISKO est victime d’un accident à bord. Suite à la rupture d’un tube de chaudières, il est gravement brûlé « par vapeur d’eau et retour de flammes ». Il meurt quelques heures plus tard dans une souffrance qu’il est facile d’imaginer. Il avait 20 ans.
Des recherches effectuées par Marcel BAILLET, le beau-frère de Stéphane, ont permis de localiser sa tombe. Il repose dans le cimetière militaire de Zeitenlick. Cette nécropole située dans l’agglomération de Thessalonique, en Grèce, regroupe les corps de 8 000 soldats serbes, 8 300 Français, 1 750 Britanniques, 3 500 Italiens et 500 Russes ainsi que des prisonniers de guerre bulgares, victimes de la Première Guerre mondiale. Un lieu de repos tellement éloigné de son cher village d’Hargicourt…
La guerre n’a pas épargné non plus ce charmant village d’Hargicourt. Les combats du printemps 1918 menés pour repousser définitivement les Allemands ont provoqué de nombreuses destructions de bâtiments et d’habitations. Ni l’église, ni le beau château de la Comtesse de Bourbon n’ont échappé aux bombardements.

Adrien PIETROWISKO a exercé plusieurs métiers donc celui de magasinier chez Vandroy-Jaspa ou de manouvrier à la minoterie de Joseph BRANCHE, chemin de Braches. Adrien est resté vivre à Hargicourt une grande partie de sa vie.
Lucien PIETROWISKO est parti quelques années en Région parisienne. Il a travaillé à l’usine de produits chimiques GAMICHON de Villiers-sur-Marne. Il est revenu à Hargicourt en 1937 où il a fini sa vie.

Le nom de Stéphane PIETROWISKO est inscrit sur le monument aux morts d’Hargicourt. Son corps repose à plus de 2 500 kilomètres de la Somme de ceux des membres de sa famille.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
L’ancienne commune d’Hargicourt est intégrée depuis 2019 à la nouvelle commune de Trois-Rivières composée également des villages de Pierrepont-sur-Avre et Contoire-Hamel.
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