Né le 18 février 1888, René DUBUQUOY est le fils d’Hilaire DUBUQUOY et de Rosine LEJEUNE.
Hilaire est originaire de Potte et Rosine de Morchain, village voisin. Ces deux petits villages dont les territoires sont mitoyens sont situés dans le canton de Nesle, à l’Est du département de la Somme. L’activité y est essentiellement agricole. Hilaire est domestique de ferme.
Le 5 juin 1869, Hilaire et Rosine se marient à Morchain, commune de naissance de l’épouse, puis s’installent dans la Grande Rue à Potte.

Hilaire et Rosine ont 24 et 20 ans. Ils veulent construire une famille. Hélas, la mortalité infantile leur impose un bien difficile Chemin de croix. Gustave, leur premier enfant, meurt à l’âge de 6 ans. Joseph, le deuxième, ne résiste pas plus d’un mois. Quant à Marie, née en 1877, elle décède à 18 mois. Les dix premières années de mariage sont particulièrement éprouvantes pour la pauvre Rosine malgré le soutien de son mari.
Victor naît le 22 décembre 1879, Anatole en octobre 1882 et René le 18 février 1888. Les trois garçons sont en bonne santé. Ils feront de bons ouvriers agricoles et pourront travailler pour les fermiers de la commune. Hilaire et Rosine n’ont pas d’autre ambition pour leurs fils. Qu’ils soient en bonne santé, qu’ils puissent construire une famille et qu’ils trouvent un travail permettant de nourrir toutes les bouches au foyer, tel est le simple vœu que formulent les parents.

La petite classe mixte du village – Potte compte moins de 100 habitants – est dirigée par une institutrice. Les garçons DUBUQUOY ne fréquentent pas l’école avec assiduité. Victor ne saura ni lire ni écrire. Ses frères Anatole et René savent juste se débrouiller un peu avec les lettres et les chiffres.
Victor est le premier de la fratrie à devoir effectuer son service militaire. Son départ prévu à l’automne 1900 est repoussé d’une année. Hilaire DUBUQUOY vient de mourir. Le décès du père ne l’exonère pas de remplir son devoir patriotique, toutefois, considéré comme « fils aîné de veuve », Victor DUBUQUOY ne reste qu’une année sous les drapeaux dans la caserne Foy de Péronne. A son retour, il retrouve la maison familiale. Victor reste avec sa mère et ses deux frères dans la petite maison de la Grande Rue à Potte.

En 1909, c’est au tour de René DUBUQUOY, le benjamin de la fratrie, d’être convoqué devant le Conseil de Révision installé pour l’occasion en mairie de Nesle. Jugé apte au service armé, il est envoyé au 5e Bataillon de Chasseurs à Pied. René espérait être affecté comme ses deux frères au 120e RI de Péronne. La déception est grande. Le 5e BCP est stationné dans la caserne Marion à Remiremont dans les Vosges. Il débute son service militaire le 7 octobre 1909. Les appelés de la Somme sont très rares dans la caserne. Il fait la connaissance de Joseph LEHÉ, un Breton dont la famille vient de s’installer à Marchélepot, village du canton de Nesle situé à moins de quatre kilomètres de Potte. Parler du pays permet de mieux supporter le dépaysement.

Le 24 septembre 1911, René est libéré du service actif. C’est la joie pour lui. Il peut enfin retrouver sa famille et celle qu’il aime. René est fiancé avec Annoncia VENET qui réside rue d’Enfer à Morchain. Comme l’avait fait son frère aîné Anatole en épousant Estella CAUSSIN d’Epénancourt l’année suivant son retour du service militaire, René se marie avec Annoncia le 10 février 1912. René travaille comme manouvrier dans la ferme de Hyacinthe RICHARD, une des plus grandes exploitations de la commune.

Au début du XXe siècle, les obligations du service militaire ne se limitent pas au service actif. Chaque homme est susceptible d’être rappelé de nombreuses années après avoir terminé le service actif. Des périodes de recyclage sont également obligatoires. René DUBUQUOY est convoqué à l’été 1913 pour la première de ces périodes de 3 semaines d’instruction. Il doit se rendre à la caserne Saint-Vincent à Laon dans l’Aisne le 29 août 1913. Il y retrouve son copain breton, Joseph LEHÉ. Même si les gars de la Somme sont plus nombreux à Laon qu’ils ne l’étaient dans la caserne Marion de Remiremont, ceux du canton de Nesle sont bien rares. Il y a quelques têtes connues : Abel BRUNET de Pargny, Emile HOUPPIN de Voyennes, Michel DELANCHY de Nesle…

Le 16 septembre 1913, après trois semaines d’exercices physiques et de manoeuvres entrecoupées de bons moments de camaraderie, les copains du canton de Nesle se quittent en se disant qu’ils se reverront deux ans plus tard pour la prochaine période d’instruction. A moins qu’ils ne se croisent dans le canton à l’occasion d’une fête ou d’une foire agricole…
Le 1er octobre 1913, René DUBUQUOY reçoit un courrier postal l’avisant de son changement d’affectation. Il dépend maintenant du 120e Régiment d’Infanterie de Péronne, unité qu’il devra rejoindre en cas de convocation ultérieure.

Le 1er août 1914, l’ordre de Mobilisation générale est décrété en France. René doit se rendre à Stenay dans la Meuse où le 120e RI est maintenant caserné. Les autres copains du canton qui étaient à Laon avec lui quelques mois plus tôt ont également été transférés administrativement au 120e RI. Après plus de 9 heures de transport en train, les 5 copains franchissent la grille d’entrée de la caserne Chanzy à Stenay. Cette ville du Nord du département de la Meuse est située à quelques kilomètres de la frontière belge. S’il est probable que les premiers combats seront menés par ceux qui effectuaient leur service militaire, les hommes des classes 1908 à 1910 appelés en renfort savent que leur tour va venir très rapidement…
Le 120e RI perd plus de 1 000 hommes le 22 août 1914 à Bellefontaine en Belgique, dont près de 600 sont tués sur place.
Début septembre 1914, les hommes du 120e sont arrivés dans le Sud de la Marne. L’objectif fixé par Joffre est d’arrêter la progression des troupes allemandes et de « se faire tuer sur place plutôt que de reculer ». Les hommes de la classe 1908 sont maintenant parfaitement intégrés dans la composition du régiment. Comme les plus jeunes, ils participent aux combats en première ligne. Dans le secteur de Sermaize-les-Bains où les gars du 120e doivent garder les ponts sur la Saulx et sur le canal de la Marne, les pertes sont importantes.

Le 7 septembre 1914, Michel DELANCHY meurt des suites de ses blessures de guerre dans l’ambulance régimentaire à Sermaize-les-Bains.
A partir de la mi-septembre, pour les rescapés, la guerre se poursuit dans la forêt d’Argonne. Le 22 octobre 1914, dans les combats du Bois de la Gruerie, Emile HOUPPIN de Voyennes est gravement blessé au bras droit. Il est évacué vers l’hôpital du Mont-Dore en Auvergne. L’amputation est nécessaire. Emile perd définitivement son bras droit. Il ne retournera jamais au front.
Le 22 novembre 1914, René DUBUQUOY est sérieusement blessé « à la fesse et à la face postérieure de la cuisse gauche par éclat d’obus ». Evacué vers l’arrière, il est hospitalisé pendant de longs mois. Après une période de convalescence, il reçoit l’ordre de retourner au front le 1er juillet 1915. Mais, comme souvent après les cas d’hospitalisation longue, René DUBUQUOY ne retrouve pas son régiment d’origine. Il est transféré au 128e Régiment d’Infanterie. Il faut dire qu’en plus de 6 mois de combat en Argonne et en Champagne, les rescapés du 120e sont bien peu nombreux.
Le 7 octobre 1915, René DUBUQUOY est tué dans la Marne au combat de Tahure. Il avait 27 ans.

Abel BRUNET a été évacué de Mesnil-les-Hurlus en mars 1915 pour blessure au pied gauche par éclat d’obus. Malgré une nouvelle blessure en juin 1916 et sa capture par les Allemands en juin 1918, Abel BRUNET de Pargny a survécu à la guerre. Orphelin de père et de mère, Abel a quitté la région après la guerre. Il s’est installé à Chartres.
Les compétences de mécanicien de chemin de fer de Joseph LEHÉ lui ont certainement évité le pire. Le jeune Breton de Marchélepot a été détaché dès la fin de l’année 1915 aux Ateliers de construction de locomotives à vapeur et d’armement de la Compagnie Fives-Lille à Givors dans le département du Rhône. Démobilisé en août 1919, il est parti vivre en Normandie.

La famille DUBUQUOY a été lourdement frappée par le malheur. Deux des trois garçons de Rosine ont perdu la vie. René, le benjamin et Victor, l’aîné de la fratrie ont été tués. Victor DUBUQUOY est décédé en Artois, le 28 février 1916, des suites de ses blessures.
Rosine a donné la vie à 6 enfants. La maladie et la guerre lui en ont pris 5 !

Anatole DUBUQUOY, seul rescapé de la fratrie, est toujours resté dans le secteur. Il a eu deux filles avec Estella CAUSSIN,prénommées Madeleine et Suzanne. Anatole a habité quelques années le village de Pertain puis il est revenu à Potte. Il y a exercé le métier de garde-champêtre.
Les noms de ses deux frères, Victor et René DUBUQUOY, sont inscrits sur la plaque commémorative des Morts pour la France du village de Potte.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Précision : la photo d’illustration en tête d’article est celle d’un soldat du 5e Bataillon de Chasseurs à Pied de Remiremont. Nous ne savons pas de qui il s’agit. Nous n’avons malheureusement pas trouvé de photo de René DUBUQUOY.
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