ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Les fils de Lucia

Né le 2 janvier 1889, Marius LIENARD est le fils de Gustave LIENARD et de Lucia DESLOOVER.

Gustave est né à Mesvin en Belgique, près de Mons dans la province du Hainaut. La famille de Lucia est originaire de la région d’Audenarde, en Flandre Orientale au Sud de Gand. Les LIENARD sont Walllons. Les DESLOOVER sont Flamands. C’est en France, à Sarton dans le Pas-de-Calais, que Gustave LIENARD épouse Lucia DESLOOVER le 22 juillet 1888. Gustave obtient la nationalité française une dizaine d’années plus tard. Les deux enfants du couple, Marius et Maurice, né en 1896, n’auront pas à effectuer le choix de la nationalité. Ils sont Français.

Sarton est un village du canton de Pas-en-Artois. Il compte environ 400 personnes au début du XXe siècle. Son territoire est bordé au Sud et à l’Est par le département de la Somme. La frontière administrative n’empêche pas les nombreux échanges avec les villages voisins, qu’ils soient dans le Pas-de-Calais comme Orville ou Thièvres ou dans la Somme comme Beauquesne, Raincheval, Authie ou Marieux. Les marchés et les foires auxquels participent les habitants de Sarton sont aussi bien dans l’un ou l’autre département. Gustave LIENARD est contremaître à l’usine de phosphates d’Orville. Le gisement de craie phosphatée d’Orville est, avec celui de Beauval dans la Somme, un des plus riches de la région. L’exploitation a débuté en 1887 et le succès a été rapidement au rendez-vous. Dans une période où l’industrialisation des villes vide les campagnes de sa main d’œuvre, l’activité d’extraction de l’or blanc est une chance pour les villages autour d’Orville.

Gustave quitte son emploi de contremaître à Orville pour devenir fermier. L’aide de ses deux fils lui est précieuse.

Le 5 octobre 1910, Marius LIENARD s’éloigne de son village du Pas-de-Calais pour la grande ville lorraine de Nancy. Il est affecté au 79e Régiment d’Infanterie pour y effectuer ses deux années de service militaire obligatoire. Son frère Maurice reste à la ferme. Un jour aussi son tour viendra…

Fin septembre 1912, Marius retrouve sa place dans la ferme familiale. La vie d’adulte peut enfin commencer pour lui.

Le 1er août 1914, la Mobilisation générale vient tout remettre en question. Ce n’est pas pour Nancy que Marius doit partir mais pour la ville d’Amiens, dans la Somme. Marius est affecté au 72e Régiment d’Infanterie. Comme tous les hommes des Classes 1908, 1909 et 1910, il est considéré immédiatement opérationnel et apte à combattre. Le 2 août, il rejoint la caserne Friant d’Amiens qu’il quitte trois jours plus tard. Les jeunes soldats du 72e RI prennent le train le 5 août au matin en direction de l’Est de la France. Neuf heures plus tard, c’est à Dun-sur-Meuse, près de Stenay, qu’ils descendent des wagons.

Le 22 août, près de la frontière belge, a lieu le baptême du feu des jeunes du 72e. Il ne s’agit ni du Hainaut, ni de la Flandre Orientale. C’est dans la Gaume, au Sud du Luxembourg belge, que les régiments de la région militaire d’Amiens ont été positionnés. Les pertes du 72e RI sont peu importantes. D’autres régiments comme le 120e RI de Péronne ont été décimés.

La retraite de l’ensemble des troupes françaises, suite à l’échec de la Bataille des Frontières, entraîne les gars du 72e vers le sud du département de la Marne. Le 5 septembre, le général Joffre donne l’ordre à toutes les unités de cesser le repli. Ils doivent attendre les Allemands lancés à leur poursuite afin d’arrêter leur progression puis de les repousser. Le 72e RI est positionné à Pargny-sur-Saulx et Maurupt-le-Montois.

La 1ère Bataille de la Marne débute le 6 septembre au matin. Les combats sont particulièrement meurtriers dans le secteur où évolue le 2e Corps d’Armée qui regroupe tous les régiments de la région militaire d’Amiens. Le 72e RI d’Amiens et le 128e RI d’Abbeville sont particulièrement touchés.

Marius LIENARD est rapidement considéré comme disparu. Mort à Maurupt-le-Montois, la date de son décès sera fixée, par la suite, au 1er jour des combats, le 6 septembre 1914.

Le village de Sarton a perdu l’un de ses enfants. Celui d’Authie pleure Lucien PERIN, tombé lui aussi à Maurupt-le-Monthois. A Beauquesne, ce sont trois jeunes hommes qui sont tombés sur les champs de bataille du Sud de la Marne : Henri FECON, Henri BOUTHORS et Alcide SEVIN. Dans la Somme, dans le Pas-de-Calais et dans tous les autres départements français, les morts se comptent déjà par milliers alors que la guerre entame seulement son deuxième mois. Des morts qui ont presque tous moins de 25 ans…

Le 8 avril 1915, alors qu’il vient tout juste de fêter ses 19 ans, Maurice LIENARD, le frère cadet de Marius, est mobilisé. Il rejoint le 67e Régiment d’Infanterie, caserné à Soissons avant la guerre. Après avoir suivi plusieurs mois d’instruction militaire, Maurice est transféré au 101e Régiment d’Infanterie puis en mars 1916, au 117e RI.  Maurice est évacué du front à plusieurs reprises, atteint de dysenterie en juillet 1916, victime d’une otite en février 1917 puis d’une bronchite en mai 1917. Après chaque séjour à l’hôpital, il retourne combattre. Maurice LIENARD est un bon soldat. Il est cité à l’ordre du régiment comme « modèle de courage et de dévouement, ayant fait en toutes circonstances l’admiration de ses camarades et de ses chefs par son esprit d’abnégation et de sacrifice ». Le 3 février 1918, dans le secteur du Mont-Haut en Champagne, Maurice LIENARD est tué. « Mortellement atteint en faisant bravement son devoir au cours d’une patrouille à quelques mètres d’un petit poste ennemi »…

Après Marius, le fils aîné, tué au début de la guerre, et Gustave le père, mort de maladie à Sarton le 21 octobre 1917, le troisième homme de la famille LIENARD vient de disparaître. Lucia reste seule. Désespérément seule. Victime au plus profond de sa chair. Détruite par le chagrin.

Lucia DESLOOVER veuve LIENARD continuera jusqu’à sa mort à habiter le logement de la petite ferme de la Grande Rue à Sarton. Seule. Toujours seule. Désespérément seule. A quelques dizaines de mètres du monument, au carrefour de la Rue de l’Eglise et de la Grande Rue, où ont été inscrits les noms de ses deux fils.

Philippe DEGROOTE et Xavier BECQUET

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