ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Henri et Paul BRUN de Fransart et Hattencourt

Nés le 8 novembre 1892, Henri et Paul BRUN sont jumeaux. Fils d’Edouard BRUN et de Marie LUCAS, ils ont vu le jour à Viarmes, en Seine-et-Oise, commune située à 10 km au Sud-Est de Chantilly, comme leurs sœurs aînées Marguerite et Yvonne. Leur sœur cadette, Marcelle, est née à Fransart où la famille s’était installée quelques années plus tôt.

Monsieur BRUN, le père des jumeaux, est originaire de Marseille. Il est le patron de la fabrique de sucre construite à cheval sur le territoire des deux communes voisines, Fransart et Hattencourt, dans l’Est du département de la Somme, entre Roye et Chaulnes.

Edouard et Marie BRUN occupent, avec leurs cinq enfants, une maison dans l’enceinte de la fabrique.

Fransart et Hattencourt sont deux petits villages dont l’activité est essentiellement agricole. Fransart compte moins de 200 habitants et Hattencourt un peu plus de 350.

Les territoires des deux villages, situés sur le plateau du Santerre, sont absolument plats. On y cultive essentiellement des céréales et bien sûr des betteraves à sucre.

Au lieu-dit La Fabrique, où se trouve la sucrerie, quatre familles y vivent. Les BRUN, les VIEILLARD, les COUSIN et les MOREAU. Julien VIEILLARD est jardinier pour M. BRUN. Georges COUSIN est chaudronnier à la fabrique de sucre et Georges MOREAU y est maçon.

Chez Edouard BRUN, la vie est plutôt confortable. Une femme de chambre et une cuisinière sont employées à l’année, nourries et logées dans la grande maison bourgeoise.

Henri et Paul BRUN, les jumeaux de la Fabrique, sont inséparables, tellement inséparables qu’ils décident, ensemble, de devancer l’appel au service militaire et de s’engager dans l’Armée pour 3 années. Henri et Paul se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Deux grands jeunes hommes élancés, aux yeux bleus et aux cheveux châtains. Il est bien difficile de les reconnaître.

Le 1er avril 1913, Henri et Paul se rendent à la Mairie de Péronne et signent leur engagement. Ils sont incorporés ensemble au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens.

Atteint d’hémarthrose suite à une chute dans une séance de gymnastique, Paul demande la résiliation de son engagement le 29 mai 1914.

Comme la loi l’y autorise, Henri demande aussi la résiliation de son engagement de trois ans pour rejoindre ceux de sa classe d’âge. Au lieu de quitter l’armée au printemps 1916 comme le prévoyait l’engagement, les deux frères finiront le service militaire le 1er octobre 1915 avec les appelés de la Classe 1912.

Le 5 août 1914, le 72e RI quitte la Somme pour rejoindre le département de la Meuse. La guerre vient d’être déclarée par l’Allemagne et les régiments de la Région militaire d’Amiens se positionnent près de la frontière, au Sud du Luxembourg belge. Mais les deux jumeaux ont été séparés. Paul ne part pas. Souffrant d’une hydarthrose chronique du genou gauche, il est maintenu au dépôt. Quelques jours plus tard, la Commission médicale d’Amiens le juge inapte au service armé. Il est réformé N°2 et rejoint sa famille à Fransart.

Le 72e RI connaît son épreuve du feu le 22 août 1914 à proximité de Virton, au Sud de la Belgique. Et dans les jours suivants, pendant la Retraite de l’Armée française, il combat à Cesse, près de Stenay puis à Bar-les-Buzancy, près de Vouziers, dans les Ardennes. Un mois après le début de la guerre, les pertes du régiment s’élèvent déjà à plusieurs dizaines.

S’il a vu plusieurs copains tomber à ses côtés, Henri BRUN est indemne. Le 72e RI se positionne le 5 septembre près de Pargny-sur-Saulx, au Nord de la Marne. Les hommes du régiment y connaissent l’enfer. Pendant 5 jours, sur les territoires de Pargny et de Maurupt-le-Montois, les morts du régiment amiénois se comptent par centaines.  Le 9 septembre, Henri BRUN est tué. Il avait 21 ans.

Paul ignore tout du sort qui a été réservé à son jumeau.

Les troupes allemandes occupent l’Est du département de la Somme et s’y installent dès l’automne 1914. A Fransart et à  Hattencourt, comme dans tous les villages du secteur, les hommes non mobilisés qui étaient restés sur place sont emmenés comme prisonniers civils en Belgique. Paul BRUN est prisonnier. Il n’est rapatrié que le 8 décembre 1918. La guerre est finie. En Février 1919, il rejoint le 1er Régiment de Zouaves et en septembre 1919 il est définitivement démobilisé.

Les derniers prisonniers de guerre ont quitté les camps allemands en janvier 1919, l’espoir de voir revenir son frère a maintenant disparu. Henri est bien mort à la guerre. Mort pour la France. Les familles des « disparus » vont enfin pouvoir commencer leur deuil.

Se reconstruire et reconstruire. La guerre a lourdement frappé l’Est du département de la Somme. Les villages sont détruits. Les morts, de militaire et de civils, sont nombreuses.

Les parents BRUN ne sont pas revenus dans le secteur d’Hattencourt. Leur fabrique de sucre a été totalement détruite pendant la guerre. Ils ont fini leur vie dans leur maison de famille de Viarmes.

A Fransart, la guerre a épargné les 3 familles qui habitaient à La Fabrique. Pas les maisons bien sûr, détruites comme toutes celles du village, mais la guerre a épargné leurs vies.

Chez les VIEILLARD et chez les COUSIN, les garçons ont été sauvés car étaient trop jeunes pour être mobilisés. Constant MOREAU, le fils du maçon est parti à la guerre. Il a survécu. Evacué à plusieurs reprises du front pour bronchite, il a finalement été déclaré inapte au combat en avril 1918. Après la guerre, il est devenu greffier au Tribunal de Montdidier. Jamais vraiment débarrassé de ses problèmes respiratoires, mais vivant…

Paul BRUN est devenu dessinateur mécanique. Il s’est installé à Saint-Quentin, dans l’Aisne, puis après une période à Marseille, est revenu dans sa famille à Viarmes. Il est difficile de savoir si la vie de Paul fut heureuse. La perte du frère jumeau était si lourde à porter.

Si Paul BRUN s’est éteint le 25 février 1928 à l’âge de 35 ans seulement, on peut penser qu’une partie de lui-même était déjà morte depuis bien longtemps.  

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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