17 août 1914 : la propagande de presse

Si la censure d’Etat ne frappe pas encore les journaux, l’utilisation de la presse quotidienne comme organe de propagande ne fait aucun doute, que ce soit dans les journaux français ou belges. La haine de l’Allemand est exacerbée. Dès qu’une information met en évident une violence de l’envahisseur vis à vis des populations civiles, elle fait le tour des quotidiens . Mais ce qui compte avant tout, pour le gouvernement français, comme pour les responsables des organes de presse, c’est de rassurer la population. La guerre, à peine débutée, va s’arrêter rapidement. A lire la presse du 17 août, comme celle des jours suivants, l’avis des journalistes semble unanime : les Allemands sont déjà en difficulté et la victoire française ne fait aucun doute. Dans 8 à 10 jours, tout sera fini…

 « D’ores et déjà, il est acquis que notre concentration est terminée, que la jonction des trois armées est faite, que les convois sont assurés avec une régularité mathématique, que nos hommes sont d’un entrain moral si grand qu’il faut à leurs chefs une énergie particulière pour les retenir. De l’autre côté (côté allemand), le soldat ne sait pourquoi il se bat ; il est mal nourri, découragé d’avance, sacrifié comme un bétail. Et son artillerie défectueuse ne le protège même pas. Enfin, des succès partiels mais répétés de nos armées résulte pour tout le monde la conviction morale que « nous sommes mieux qu’eux ». Excellente condition pour entamer une première et décisive opération où va se jouer l’avenir de l’Europe » (L’Instransigeant – 17 août 1914)

« Chaque jour nous apporte un nouveau motif d’espoir, de confiance, de foi en l’avenir. Bientôt sans doute s’engagera la formidable bataille qui enflammera un front de 400 kilomètres. Ce choc des nations mettra aux prises plus de deux millions d’hommes. Il durera sans doute huit jours, dix jours, avec des alternatives variables. Tout nous permet d’attendre le résultat sans crainte » (Le Progrès de la Somme – 17 août 1914)

« On avait une crainte atroce des Allemands ; on finira par les plaindre. Ils sont à bout de force, exténués et affamés. Comptant sur l’attaque foudroyante qui nécessitait une marche rapide, les chefs ne s’étaient pas encombrés de vivres. Huit jours se sont écoulés et les Allemands que l’ont voit dans nos parages et qui sont ceux qui envahirent le Grand-Duché sont sans vivres et obligés à des zigzags constants. Ils meurent de faim et ne tiennent plus sur jambes… » (L’Avenir de Luxembourg – Belgique – 17 août 1914)

« Un sergent belge, échappé de Liège, est rentré à Bruxelles ce matin. Il a constaté la démoralisation des troupes allemandes. A Liège, un officier d’état-major allemand s’est suicidé après avoir écrit à sa femme que Liège serait son tombeau. Huit soldats allemands se sont suicidés en se jetant dans la Meuse. » (Le Progrès de la Somme – 17 août 1914)

 « D’un village belge – Hier nous avons vu défiler des Français toute la journée et leur entrain, leur gaîté, leur désir de nous aider et de taper sur les Allemands nous ont tous remontés. On leur a donné à boire et à manger, on leur a donné du tabac, des cigares et beaucoup de chocolat. En vue de leur passage, nous étions depuis plusieurs jours munis de pain. Nous avions fait cuire un grand quartier de lard maigre et nous leur en mettions une tranche entre deux tranches de pain. Nous avions mis des petits drapeaux belges tout le long de la grille et des drapeaux français dans les arbres (…). Près du cimetière, il se sont arrêtés et entonné « La Brabançonne », puis tout le monde a chanté avec eux « La Marseillaise »… » (L’Indépendance belge – 17 août 1914)

 « A cause des rumeurs qui continuent à circuler à Bruxelles, il n’est pas inutile d’affirmer une fois de plus que (…) la trouée vers Bruxelles ou vers Anvers n’est pas à craindre. En ce moment, la situation reste excellente pour nous. Les Belges cherchent en vain un combat auquel les Allemands se soustraient. Une communication officielle dit que les troupes alliées occupent leurs positions en nombre imposant. Dans la matinée, des paysans ont rencontré des cavaliers prussiens errant en petits groupes, d’ailleurs inoffensifs, au hasard dans la campagne. Sont-ce des estafettes ? Je pens plutôt que ce sont des fuyards ou des soldats échappés du gros des troupes après la bataille de Haelen ». (Le Progrès de la Somme – 17 août 1914)

 « Qu’adviendrait-il si les Alsaciens Lorrains savaient officiellement que les Allemands n’ont pas pu triompher de la résistance belge. Que cette résistance est aujourd’hui renforcée d’un corps français opérant par Charleroi, et d’un corps de troupes anglaises sous le commandement du général French ? Il ne faut pas qu’on sache cela en Alsace-Lorraine. Et c’est pourquoi les Allemands y suppriment les journaux qui pourraient le dire. Ah, par exemple, ils laissent vivre et colporter leurs papiers mensongers qui racontent que les soldats du Kaiser ont emporté d’assaut Liège, ses forts et le camp retranché de Namur » (Le Journal de Laon – 17 août 1914)

 « Alors que les Allemands achèvent les blessés belges ou français à coups de crosse, nous traitons les blessés allemands avec une aménité qui est bien dans la tradition de notre caractère. Dans la région de Belfort, passaient des voitures de Bavarois blessés et l’on y voyait nos soldats soutenant de leur mieux les malheureux qui ne pouvaient rester debout… » (L’Instransigeant – 17 août 1914)

« Les Allemands semblent déjà fixés sur le destin de la guerre. Plus leur apparaît le spectre de la défaite, plus ils se montrent résolus à se livrer par avance à d’horribles et sanguinaires vengeances. (…) Ils veulent, s’ils nous rendent l’Alsace, avoir fait de cette terre de houblons et de vignes, un désert ravagé par la flamme et arrosé par le sang. Ils ignorent, dans leur folie délirante et sauvage, les représailles morales qui les attendent. Il faut qu’ils sachent, quand tout sera fini, qu’il n’y aura plus une main en Europe qui consente à serrer une main allemande, plus une ville en Europe qui consente à abriter une maison allemande, plus une académie en Europe qui consente à recevoir un savant allemand, plus un chef d’Etat en Europe qui accepte de reconnaître le souverain allemand qui portera dans l’histoire le poids de cette honte et la trace de ce sang ». (La République Française – 17 août 1914).

 

RETROUVEZ TOUTES LES CHRONIQUES QUOTIDIENNES DU DEBUT DE LA GRANDE GUERRE, A PARTIR DU 28 JUILLET 1914, EN CLIQUANT ICI

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