Jules et Henri, deux copains de Neufmoulin

Le Scardon à Neufmoulin (photo APitche)

En 1899, Alphonse CARPENTIER, l’instituteur, décrit Neufmoulin (Nouveau Moulin) comme une petite commune de 289 habitants. Elle est située au Nord-Est d’Abbeville, dans le canton de Nouvion, et toute proche de Caours dont elle était un hameau au XVIIIe siècle, ainsi que de Saint-Riquier. Le village s’est établi dans la vallée verdoyante d’un paisible cours d’eau, le Scardon, un moulin hydraulique à huile y a été référencé.

Neufmoulin a une particularité, la commune ne dispose ni d’église, de presbytère et de cimetière, les habitants doivent se rendre à l’église Saint-Martin de Caours, et ils sont inhumés dans le cimetière attenant.

Village tourné vers l’agriculture, une bonne partie des terres est réservée à la culture de pois et haricots : les pois de Neufmoulin sont très recherchés et vendus à des marchands d’Amiens. Pour l’élevage, ce sont les moutons qui prédominent.

Récolte des petits pois

C’est à Neufmoulin que le 3 août 1882, nait Jules François Etienne DUCATEL. Il est déclaré en mairie du village le 4 août par son père François, ménager de 48 ans en présence de Jean Baptiste FLANDRIN, 48 ans ménager lui aussi et accompagné par Ernest DELPORTE exerçant le métier de bourrelier et âgé de trente-trois ans. Sa mère Rosine LIMOZIN est âgée de trente-neuf ans, elle est ménagère. La famille habite dans la rue unique de Neufmoulin, celle de Saint-Riquier-à-Caours.

Jules est le troisième enfant de la famille, deux sœurs l’ont précédé : Gabrielle en 1879 et Marie en 1881, en 1883 naîtra Elise le 25 septembre, son père est alors devenu peintre en bâtiment. Hélas la petite sœur décède le 14 novembre 1897, elle n’était âgée que de quatorze ans. Le 1er janvier de l’année 1900, c’est au tour de François, le père, de succomber à l’âge de soixante-six ans. Rosine se retrouve alors seule pour élever ses trois enfants.

En 1902, lors du conseil de révision, Jules, cheveux blonds, yeux gris, 1m68, est dispensé étant fils de veuve. Il est toutefois incorporé le 14 novembre 1903 au 128ème Régiment d’Infanterie à Abbeville.

Mis en congé le 18 septembre 1904, moins d’un an après son incorporation, le certificat de bonne conduite lui est accordé. Il accomplira une période d’exercices en septembre 1908.

En 1906, dans la maison familiale, seul Jules travaille, il est ouvrier maçon, boulevard des Près à Abbeville chez Thomas QUECHEN.

Jules se marie le 20 août 1910 avec une fille de son village, Héléna CAUMARTIN, de 7 ans sa cadette. En mai 1911, le jeune marié est convoqué pour une nouvelle  période d’exercices. Le couple habite Neufmoulin et Jules, toujours maçon, travaille désormais chez Adolphe PETIT, Chaussée du Bois, dans la capitale de la Picardie maritime.

Le 1er août 1914, il est mobilisé et rejoint sa caserne abbevilloise le 11 août. Son régiment, le 128ème a déjà quitté le casernement depuis le 5 août pour Dun-sur-Meuse  et le 18, il part vers le Luxembourg belge où le baptême du feu a lieu à partir du 22 dans la région de Meix- devant-Virton. Le 28, c’est le début du repli en direction de Buzancy dans les Ardennes. Deux des trois bataillons forment l’arrière-garde et l’affrontement est au maximum le 31 août dans le hameau de Fontenois, près de Saint-Pierremont. Près de 380 hommes et 17 officiers sont mis hors de combat, le repli se poursuit jusqu’à la Marne. Les combats redoublent entre le 6 et le 11 septembre aux alentours de Pargny-sur-Saulx et Maurupt-le- Montois, la poursuite de l’ennemi qui se replie, continue vers Sainte Menehould, puis en Argonne.

En février 1915, c’est l’offensive de Champagne, puis direction Les Eparges (Meuse) fin avril.

Jules sera tué à l’ennemi à Vaux-les-Palameix (Meuse) le 31 août 1915. Il avait 33 ans, son anniversaire était le 3 août !

Son acte de décès sera transmis à Neufmoulin le 5 décembre 1915.

* C’est dans la mairie de Vaux-les-Palameix qu’Alain Fournier (mort le 22 septembre 1914) a passé sa dernière nuit.

Ce  même jeudi 3 août 1882, naît à 6 heures du matin Henri HURÉ. Comme Jules DUCATEL, né à 3 heures du soir, il est déclaré à la mairie du village le lendemain, devant le maire Eugène PADIEU.

Prudent HURÉ, son père, est un manouvrier de trente-cinq ans, il avait épousé  Elise MICHEL, dix-sept ans, sans profession, le 19 novembre 1877.  Les époux sont tous deux originaires de Neufmoulin.

Henri et Jules sont certainement des copains d’enfance, ils ont exactement le même âge et vont à l’école ensemble avec Alphonse CARPENTIER, et se retrouvent pour aller au catéchisme à Caours avec le curé Alfred WATELET. Ils ont tous les deux un bon niveau d’instruction,  mais le service militaire va les séparer.

Henri, cheveux châtains, yeux bruns, 1m65, est incorporé au 6ème Régiment de Hussards le 16 novembre 1903 comme cavalier de 2ème classe, il passe 1ère classe le 3 juin 1904 et envoyé en disponibilité le 18 septembre 1906 avec un certificat de bonne conduite.

Il accomplit ensuite, en février 1909 une période au 3ème Régiment de Chasseurs à Saint-Diè (Vosges), puis en décembre 1912 au 19ème Régiment de Chasseurs caserné à Verdun (Meuse).

Henri épouse à Neufmoulin le 26 septembre 1908 Hélène QUEHEN (ou KUENHEN) née BRIDOUX à Drucat le 18 août 1885. Hélène a été reconnue le 29 octobre 1887 lors du mariage à Neufmoulin de sa mère Pascaline Aurélie avec Bélonie QUEHEN (Bélonie décèdera le 15 novembre suivant).

En 1909, de l’union d’Henri et Hélène, naît un fils, Henri, à Neufmoulin, il est élevé dans un premier temps chez sa grand-mère maternelle, Aurélie, qui vit avec son beau-frère Xavier KUENHEN, perruquier.

En 1911, Henri est devenu travailleur indépendant, il est à la fois maçon ou bûcheron selon les besoins et les demandes de la population locale et des alentours.

Rappelé à l’activité le 3 août 1914, il fera ‘’sa’’ guerre au 17ème Régiment d’Artillerie, et participera aux différentes batailles telles que la Marne en 1914, les Hauts de Meuse, la Somme, Verdun….

Henri sera démobilisé le 11 mars 1919, sans aucune blessure physique mais combien de blessures morales … Son copain d’enfance Jules, n’est pas rentré au pays. Toute sa vie, en passant devant le Monument aux Morts de la commune, au coin de la rue principale, il pensera qu’il a eu beaucoup de chance !

Avec son fils, ils seront ouvriers maçons, habitant toujours Neufmoulin, rue de Saint-Riquier.

Henri décèdera le 27 avril 1955 dans sa commune de naissance, Hélène son épouse, à Saint-Riquier le 7 juin 1962.

Le nom de Jules DUCATEL est inscrit sur le Monument aux Morts de Neufmoulin et sur une plaque commémorative dans l’église de Caours.

Danièle REMY – Lionel JOLY

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