ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – tenter de survivre après la guerre

Né le 20 octobre 1892 à Fouilloy, Louis LENGLET est le fils de Léon LENGLET et d’Anaïse MARTIN.

La famille LENGLET est originaire de Barleux près de Péronne et la famille MARTIN de Fouilloy près de Corbie.

Comment Léon et Anaïse se sont-ils rencontrés malgré les 30 kilomètres séparant leurs deux communes de naissance ? Le mystère reste entier pour nous.

Le père de Léon fabrique des chaises à Barleux mais Léon prend une tout autre voie. Il devient apprenti boulanger. Anaïse est ouvrière dans la bonneterie comme le sont ses parents. Peut-être est-ce en venant chercher du travail à Corbie qu’il a rencontré Anaïse ?

Léon et Anaïse se marient le 19 octobre 1889 et s’installent à Fouilloy. En 1891 naît leur premier enfant. C’est une fille prénommée Léonie. Elle est suivie de Louis, un an plus tard. La petite famille déménage alors pour s’installer dans la grande ville toute proche qu’est Amiens. Léon y exerce son métier de boulanger. La fratrie s’agrandit avec l’arrivée de Louise en 1896 et Lydie en 1898.

Les boulangers exercent une activité socialement indispensable mais, malgré les conditions de travail difficiles, ils ne sont pas toujours rémunérés comme ils le devraient. Léon quitte Amiens pour un emploi de boulanger à Corbie. La famille LENGLET retrouve Fouilloy comme commune de résidence pendant deux ans puis repart à Amiens. Les LENGLET s’installent dans le quartier Saint-Pierre d’Amiens, dans la Rue Louis Braille plus précisément. Pendant leur court séjour à Fouilloy est né Léonce en 1901. Lucie, la benjamine naît à Amiens en 1903. La belle fratrie LENGLET est composée de 4 filles et de 2 garçons.

Léon LENGLET est employé dans la boulangerie FAIRWATHER de la Chaussée Saint-Pierre, établissement qu’il quitte quelques années plus tard pour rejoindre la boulangerie coopérative « La Fraternelle ».

Louis ne veut pas devenir boulanger. Il cherche sa voie. Après avoir été apprenti imprimeur, il s’oriente vers la confection des habits. Il est employé comme coupeur dans l’atelier RABOUILLE, puis comme doubleur avant de devenir tailleur d’habits. Sa sœur aînée Léonie est rentreuse et Louise, sa sœur cadette, est tisseuse.

A 20 ans, Louis LENGLET est convoqué devant le Conseil de Révision. Son aptitude ne fait aucun doute. Louis est en bonne santé. Jugé apte, il reçoit quelques mois plus tard une convocation pour rejoindre le 51e Régiment d’Infanterie à Beauvais. Le 9 octobre 1913, il prend le train en gare d’Amiens en direction de la préfecture de l’Oise. La présence dans le train de plusieurs jeunes Amiénois affectés comme lui au 51e le rassure. Malgré l’éloignement de sa famille, les deux années de service militaire se présentent plutôt bien.

Le 5 août 1914, le 51e Régiment d’Infanterie quitte Beauvais. L’Allemagne a déclaré la guerre à la France. Les troupes du Kaiser Guillaume II sont entrées sur le territoire de la neutre Belgique. Les unités de l’Armée active doivent se rendre au plus tôt dans l’Est de la France pour protéger les frontières nationales. Les hommes du 51e RI arrivent le 5 août au soir dans le nord du département de la Meuse.

Tous les jeunes hommes qui effectuaient leur service militaire quand la guerre a été déclarée savent qu’ils seront les premiers à combattre. Les officiers les ont préparés depuis plusieurs jours à cette éventualité. A la mi-août, le 51e RI, comme les autres unités de la 3e Division d’Infanterie, reçoit la mission de traverser la frontière pour apporter son soutien aux unités de la 4e Division de la IVe Armée française. La grande offensive est programmée le 22 août. Le positionnement de la 3e Division n’est pas évident car ses unités doivent assurer aussi la liaison avec celles de la IIIe Armée française qui combattra quelques kilomètres à l’Est pour reprendre les hauteurs de la commune de Virton aux Allemands.

Il faut empêcher de créer une brèche entre les Armées françaises afin que les Allemands ne puissent s’y engouffrer et entrer plus facilement sur le sol français.

Le 22 août au matin, le 51e RI franchit la frontière et avance sur le territoire de la commune de Villers-la-Loue.

Les hommes du 51e connaissent l’épreuve du feu dans la vallée vers Meix-devant-Virton et sur les hauteurs d’Houdrigny. Les pertes sont nombreuses. Plusieurs jeunes hommes qui avaient débuté le service militaire le même jour que Louis LENGLET n’iront pas plus loin. Des hommes qui ont passé 10 mois ensemble dans la caserne Watrin de Beauvais. Richard LOGNON d’Amiens et Eugène PAYEN de Gentelles ont été tués.

Louis LENGLET est lui aussi comptabilisé dans les pertes par l’état-major. Il n’est pas mort mais gravement blessé, il doit être évacué vers l’arrière.

L’hospitalisation est longue. La convalescence est également longue. Louis n’est pas envoyé immédiatement au combat. Son état de santé justifie qu’il reste quelques mois au dépôt de régiment dans le Finistère avant de pouvoir, à nouveau, combattre une arme à la main. Le 9 octobre 1915, Louis LENGLET est transféré au 128e Régiment d’Infanterie. Les champs de bataille seront ceux de Champagne, des Hauts de Meuse puis de la Somme en juillet 1916, dans le secteur de Belloy-en-Santerre.

Au printemps 1917, les hommes du 128e RI sont engagés dans les terribles combats du Chemin des Dames et à l’été, ils doivent tenir le secteur de la Côte 304 au prix de nombreuses vies perdues.

En janvier 1918, le régiment est amené en Lorraine où il occupe un secteur calme au nord de la forêt de Parroy. Le 20 février, un coup de main de grande envergure sur le village de Réchicourt lui est confié. Les pertes sont très nombreuses.

Louis LENGLET est blessé à la face par éclats d’obus. Il est transféré vers le Sud-Est de la France pour y être hospitalisé. Hélas, aucune intervention chirurgicale n’est possible. Le long calvaire du pauvre Louis LENGLET débute. La guerre est finie pour lui mais son combat contre le mal n’en est qu’au commencement.

Après 9 mois d’hospitalisation, la Commission de réforme du Rhône l’examine. Le constat est sans appel : Louis ne pourra plus combattre. Les médecins proposent la réforme pour « perte de substance osseuse de 3 centimètres au maxillaire inférieur« . Louis passe d’hôpital en hôpital. Quand il peut enfin rentrer à Amiens, Louis est marié. A l’été 1919, il a épousé Francine DESCHAMPS d’Aimargues dans le Gard. Une infirmière qui a su voir, derrière ce visage cassé, une bonté qui lui a emplit le coeur.

Louis et Francine arrivent à Amiens à la fin de l’année 1919. Louis y retrouve sa mère, ses deux sœurs Louise et Lucie, ainsi que son frère Léonce, trop jeune pour être mobilisé pendant la guerre. Il y a aussi le petit Robert, fils de Louise, né en 1914 d’un père qui ne reviendra jamais et dont il ne portera pas le nom. Mais dans la petite maison de la rue Braille, l’ambiance n’est plus la même : Léon, le père, a disparu et Lydie la plus jeune des filles, vient de s’éteindre à l’âge de 20 ans. Un autre fléau a succédé à la guerre : la grippe espagnole.

Louis tente de reprendre une activité de coupeur mais sa santé se dégrade rapidement. Le 7 janvier 1921, la Commission de réforme d’Amiens propose d’augmenter son niveau de pension pour « pseudarthrose lâche du maxillaire inférieur, trismus légers des mâchoires, perte de 4 dents ». S’alimenter est une épreuve quotidienne pour Louis. Affaibli, Louis est alors victime de la tuberculose. En 1922, les médecins militaires décident de lui attribuer une pension de 100%. Louis ne peut plus travailler. Sa principale activité consiste à tenter de survivre…

Le 12 novembre 1922, Louis LENGLET meurt au domicile familial de la rue Braille à Amiens. Il avait 30 ans.

L’imputabilité à la guerre du décès de Louis avait pourtant été établie dès 1924 par le versement d’une pension,mais il n’a été reconnu « Mort pour la France » par l’état français officiellement que le 5 septembre 1929.

Son nom a pu être gravé sur le monument aux morts d’Amiens, œuvre du sculpteur Albert ROZE, inauguré le 14 avril 1929. Le livre des pensions avait permis d’établir la liste des noms à inscrire. Celui de Louis LENGLET n’a pas été oublié.

Son frère Léonce, seul survivant masculin de la fratrie LENGLET, est mort pendant la Seconde Guerre mondiale à Port-Lyautey au Maroc le 17 mars 1943. Il avait 41 ans.

Xavier BECQUET

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