Né le 10 juillet 1891, Gaëtan CAUET est le fils d’Ernest CAUET et d’Eugénie GODEBERT.
Ernest CAUET est l’instituteur public de Vaire-sous-Corbie. Il loge avec son épouse et ses garçons, Eugène, Léon et Gaëtan, dans le bâtiment qui abrite l’école des garçons. La petite enfance de Gaëtan est marquée par la disparition de son frère Eugène. Il est à peine âgé de 5 ans quand meurt Eugène, victime d’une méningite.

Ses parents, Ernest et Eugénie, sont originaires du village de Forceville près d’Acheux-en-Amiénois. La famille CAUET est une famille de cultivateurs. Ernest a choisi une autre voie. Ayant réussi à être admis à l’Ecole Normale d’Amiens, il a pu ensuite exercer son métier dans plusieurs communes de la Somme avant de s’installer avec Eugénie à Vaire-sous-Corbie, commune du canton de Corbie, située sur la rive gauche du fleuve Somme entre les communes du Hamel et de Hamelet.

L’activité économique est essentiellement agricole dans le village. Il reste toutefois une industrie de bonneterie encore active. On fabrique des gilets de chasse, des bas et des caleçons. Cette industrie perd beaucoup de son importance mais, à la fin du XIXe siècle quand le petit Gaëtan voit le jour à Vaire-sous-Corbie, elle occupe encore au moins 20 hommes et 40 femmes du village.
Des relations privilégiées existent avec la grande commune de Corbie, distante de moins de 4 kilomètres. Les produits de basse-cour et la plupart des bestiaux sont vendus sur le marché de Corbie. Le lait venant des fermes de Vaire-sous-Corbie est quotidiennement distribué au chef-lieu de canton et c’est à la gare de Corbie qu’arrivent les livraisons de grains et de laine utilisés pour l’activité des villageois.

Fils d’instituteur, Gaëtan est comme son frère aîné un brillant élève. Pouvait-il en être autrement ? L’envie de devenir instituteur, comme son père et comme son frère Léon, l’envahit dès son plus jeune âge.
Son père confie parfois à Gaëtan le soin d’aider les garçons qui ont deux ou trois années de moins que lui. Gaëtan se fait une joie de poursuivre le travail de son père et d’assister aux progrès de ses copains. Arthur DHEILLY, Eugène NOIRET et les frères, Lucien et Marius DESVIGNES bénéficient de l’aide de « l’apprenti-instituteur ».

Eugène NOIRET habite Rue d’Enfer. Son père est tricotier. Le père d’Arthur DHEILLY est ouvrier agricole et celui des frères DESVIGNES est piqueur en chaussures. Les DHEILLY et les DESVIGNES résident dans la Grande Rue.
Après avoir obtenu le certificat d’études primaires, Gaëtan CAUET quitte l’école de Vaire pour poursuivre des études supérieures à Amiens.
Le chemin de vie des jeunes copains de l’école les entraîne vers d’autres horizons. Adolescent, Arthur DHEILLY devient charretier. Eugène NOIRET est ouvrier en filature. Lucien DESVIGNES est tricotier en laine et son frère, Marius, ouvrier agricole. Ils savent que le travail ne manque pas dans les villes proches de Corbie et de Villers-Bretonneux. L’industrialisation des fabriques leur permettra de trouver un travail quand ils auront atteint l’âge adulte. Et ils ont un atout indéniable : ils savent tous parfaitement lire et écrire. L’aide apportée par Gaëtan CAUET, le fils de l’instituteur, n’y est certainement pas étrangère.

Gaëtan entre à l’Ecole Normale en 1908. Il y est formé pendant 3 années, puis exerce une année comme instituteur stagiaire à Warloy-Baillon. Son père n’est pas peu fier. Il sait que son fils sera un bon enseignant.
En octobre 1912, Gaëtan CAUET est incorporé au 72e Régiment d’Infanterie pour y effectuer son service militaire. Il rejoint la caserne Friant, Avenue Foy à Amiens. De nombreux collègues instituteurs de la Somme sont affectés dans ce régiment amiénois. Gaëtan a hâte que cette période de deux années sous les drapeaux se termine pour aller exercer son métier dans un village du département. Il sait qu’il devra changer deux ou trois fois avant d’avoir enfin l’attribution d’un poste d’instituteur titulaire. Il deviendra alors le maître d’école et pourra enseigner à plusieurs générations du même village, comme son père l’a fait à Vaire-sous-Corbie.

Avant la fin des deux années, la guerre est déclarée. Le 3 août, la France entre en guerre. Le 5 août, les hommes du 72e Régiment d’Infanterie quittent Amiens par le train pour rejoindre la gare de Dun-sur-Meuse.
La mort frappe plusieurs fois le 72e RI à la fin du mois d’août, mais ce n’est presque rien en comparaison de ce qui attend les rescapés, entre le 6 et le 10 septembre, dans le secteur de Pargny-sur-Saulx et Maurupt-le-Montois, près de Vitry-le-François. En 5 jours, au moins 500 hommes du régiment perdent la vie et presque autant meurent dans les semaines qui suivent des suites de leurs blessures. Le sous-officier qu’est devenu Gaëtan est vivant.

La suite se déroule dans le Bois de la Gruerie. La guerre des tranchées débute. Les fantassins alternent les périodes de trois ou quatre jours en première ligne et les périodes de repos, à quelques centaines de mètres seulement vers l’arrière. Le froid et l’humidité transpercent les vêtements. La maladie s’installe et devient presque aussi meurtrière que les balles et les obus. Pendant l’hiver, le 72e RI quitte l’Argonne pour participer à l’offensive au Nord de Mesnil-les-Hurlus. C’est l’endroit qu’a choisi le général Joffre pour tenter de rompre la résistance des Allemands.
Au début du mois de février 1915, Léon, le frère aîné de Gaëtan, écrit dans son journal : « Les lettres de Gaëtan sont pessimistes. Mon frère se trouve parfois dans des tranchées situées à 25 mètres de l’ennemi. Les mines sont à craindre. Un soir de relève, une section du 120e venait à peine de remplacer celle de Gaëtan que la tranchée sautait. Mon cadet l’avait échappé belle. »

Fin février, l’inquiétude grandit pour Léon : « Depuis plus de dix jours, mes parents n’ont pas eu de lettre de Gaëtan ».
Le 15 mars, Léon est dévasté par la douleur : « Une terrible nouvelle me parvient. Grièvement blessé le 25 février à Mesnil-les-Hurlus, mon frère est décédé le 2 mars à l’ambulance Saint-Jean-de-Tourbe. Le seul frère qui me restait… »
Les petits écoliers de la Somme ne profiteront jamais des grandes compétences pédagogiques du fils d’Ernest CAUET…

La mort a frappé durement dans les rangs des jeunes hommes de Vaire-sous-Corbie.
Eugène NOIRET, blessé à deux reprises, a succombé à ses blessures à l’hôpital de Châlons-sur-Marne. Lucien DESVIGNES est mort à l’hôpital de Sainte-Menehould, dans la Marne, de maladie contractée en service.
Marius DESVIGNES, son frère, a été tué en Flandre occidentale.

Des quatre copains que Gaëtan avait pris sous son aile, à l’école élémentaire, seul Arthur DHEILLY a survécu. Un grave problème de santé le rendant inapte au service armé lui a certainement sauvé la vie. Affecté au service auxiliaire en février 1915, il a fini par être déclaré apte au combat en avril 1918. Il a été affecté au 3e Groupe d’aviation. Démobilisé en août 1919, il est revenu quelques années dans la région de son enfance avant de partir s’installer définitivement en Bourgogne.
Plusieurs habitations de Vaire-sous-Corbie ont été endommagées pendant les combats du printemps 1918 autour de Villers-Bretonneux et de Le Hamel. L’école du village a été touchée.

En 1920, les parents du malheureux Gaëtan CAUET ont quitté définitivement la commune de Vaire-sous-Corbie. Trop de fantômes hantaient maintenant les lieux. Ils retournent à Forceville, village d’origine des CAUET, puis s’installent à Havernas.
Le nom de leur fils Gaëtan est inscrit sur le monument aux morts de Vaire-sous-Corbie et sur celui de Forceville, commune d’origine de la famille CAUET.
Un garçon et une fille sont venus au monde dans le foyer de Léon CAUET, le seul survivant des trois frères CAUET. Comme une évidence, le garçon a reçu le prénom de Gaëtan.
Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Merci à Patrick CAUET et Eric LEDENT pour leur précieuse contribution

Remarque : le patronyme de la mère de Gaëtan est écrit GODEBERT ou GODBERT selon les documents d’archives consultés.
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