Dans la Somme, nous aurions dû commémorer aujourd’hui les 150 ans d’un des derniers combats de la Guerre 1870-1871, celui de la Bataille de l’Hallue (appelée également Bataille de Pont-Noyelles). La crise sanitaire en a décidé autrement. Que ce petit rappel historique permette de rendre hommage aux nombreuses victimes d’une guerre souvent oubliée de nos jours. Une guerre entre la France et la Prusse qui a pris fin seulement 43 ans avant le début d’un autre conflit devenu mondial.
LA BATAILLE DE L’HALLUE – 23 DECEMBRE 1870
La guerre avait débuté depuis plus de cinq mois. Après la débâcle de Sedan, le 1er septembre 1870, l’Armée française avait subi beaucoup d’autres défaites. Rencontrant de moins en moins d’opposition, les Prussiens avaient commencé leur invasion du territoire français, notamment dans l’Est et le Nord du pays.
Alors que l’ennemi occupait le territoire de la Somme depuis le 28 novembre 1870, le général Faidherbe, dirigeant l’Armée du Nord, reçut mission de réorganiser ses troupes et de livrer combat à l’ennemi à proximité d’Amiens. Il n’était pas question d’assiéger la capitale picarde alors que des milliers de soldats prussiens étaient protégés dans la Citadelle. Il fallait les attirer au Nord de la ville. C’est le site de la Vallée de l’Hallue qui a été choisi par l’état-major français.

Même s’il y eut quelques escarmouches entre missions de reconnaissance dès le 20 décembre, c’est le 23 décembre qu’ont eu lieu les combats entre les deux armées. Sur un front d’une douzaine de kilomètres, de Bavelincourt à Daours, dans la Vallée de l’Hallue, des milliers d’hommes se sont opposés à partir du milieu de la matinée. Les artilleurs placés sur les hauteurs, à Querrieu pour les Prussiens, et à Pont-Noyelles, distants d’à peine un kilomètre, ont semé la morts et la douleur dans les rangs des deux camps.

Certains villages, comme Daours et Vecquemont, ont été repris par les Français, puis perdus quelques heures plus tard. Dans les rues, les combats se livraient souvent au corps à corps. La population qui n’avait pas été évacuée était placée au coeur de l’horreur. Des maisons brûlaient. Des combats entre soldats français et prussiens avaient lieu, quelquefois, à l’intérieur même des habitations en présence de villageois.
Entre Querrieu et Pont-Noyelles, séparés simplement par la petite rivière L’Hallue, aucun camp n’arrivant à prendre le dessus, il fut donné l’ordre, en milieu d’après-midi, de se lancer à l’attaque des lignes ennemies pour y poursuivre le combat à la baïonnette.

Seule la nuit vint mettre fin à l’horreur.
Mais le sol était enneigé et la température largement inférieure à zéro. Tous les blessés ne furent pas ramassés. Pour tous, soldats ou civils, la nuit fut hantée par les plaintes et les gémissements de ceux qui étaient restés sur le champ de bataille et à qui il restait encore un souffle de vie.
Au matin, quand l’ordre de retraite fut transmis à général Faidherbe, chaque camp ramassa ses blessés. Les membres gelés entraînèrent de nombreuses amputations.
La Bataille de l’Hallue fut une des dernières batailles de cette guerre. Le 28 janvier 1871 l’Armistice fut signé, consacrant la victoire des Prussiens et imposant de très lourdes réparations à l’Etat français.
Dans cette vallée, en quelques heures, le 23 décembre 1870, plus de 500 hommes ont été tués et au moins 2 000 blessés.
La courte guerre de 1870-1871 a provoqué au moins 200 000 morts et 600 000 blessés dans le camp français, et vraisemblablement autant dans le camp des Prussiens.

SURVIVANTS DE LA GUERRE
En 1914, les survivants de 1870 avaient entre 65 et 75 ans. Ils n’étaient plus très nombreux. Dans chaque village, ces anciens de 1870 étaient considérés comme des « héros ». Jugés trop vieux pour se battre, les rescapés des combats de 1870 encore en vie n’ont pas été mobilisés pour la Grande Guerre. Ils ont vu partir leurs petits-fils en août 1914 et leurs fils quelques semaines ou mois plus tard.
Pour ceux qui habitaient dans une région proche du Front, comme celles de l’Est du département de la Somme autour d’Albert et de Péronne, ils ont dû quitter leur maison, quitter leur village, en tant que prisonniers pour ceux dont la commune était en zone occupée par les Allemands ou en tant que réfugiés pour ceux qui avaient la chance d’être du « bon » côté du front.
Les fils et leurs petits-fils ne sont pas tous revenus. Les anciens combattants de 1870 auraient, bien sûr, préféré mourir à la place des plus jeunes, mais ce n’était pas possible. Ca ne fonctionne pas comme ça, une guerre. Avant de fermer les yeux, dans un pays à nouveau en paix, ils ont certainement pensé que, si leur sacrifice et celui de leurs enfants avaient été douloureux, la vie allait maintenant prendre définitivement le dessus. Qu’il n’y aurait plus jamais de guerre…

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