2 septembre 1914 : le martyre de la sentinelle

Joffre décide de « reporter le front de quelques marches en arrière ». Cette solution lui offre l’avantage de gagner un peu de temps et de renforcer les 3e et 4e armées françaises, déjà tellement éprouvées par le début de la guerre, par des éléments des 1ère et 2e armées positionnés près de la frontière vosgienne. Joffre, toujours persuadé qu’il va pouvoir bientôt lancer une nouvelle grande offensive, demande à ses généraux d’éviter tout conflit local avec les troupes ennemis (déjà tellement meurtriers depuis le début de la retraite) pour établir une « ligne générale : Pont-sur-Yonne, Nogent-sur-Seine, Arcis-sur-Aube, Brienne-le-Château, Joinville ». Quand les 2 armées du centre (la 3e et la 4e) seront renforcées par les éléments prélevés sur les deux armées d’aile droite, il sera possible « de passer alors à l’offensive ».

Les combats des derniers jours, ont été particulièrement dévastateurs pour les militaires, mais comme ce fut le cas en Belgique, on compte également des civils parmi les victimes.

En ce 2 septembre, c’est la commune de Senlis, au Nord de Paris, qui souffre. La bataille d’artillerie fait rage entre les batteries françaises placées sur les hauteurs au Nord-Est de la ville, et les batteries allemandes qui se sont installées sur le territoire de la petite commune de Montépilloy. Les Allemands prennent rapidement l’avantage et les troupes françaises quittent la ville en fin d’après-midi. Les Français se sont retirés au sud. C’est alors que les Allemands vont concevoir un plan diabolique. Ils prennent en otage des habitants, et les font avancer devant les troupes allemandes, en direction de Français. Un officier allemand déclare à un groupe qu’ils ne seront pas fusillés, mais que les Français s’en chargeront. Un par un, les pauvres habitants servant de boucliers humains, tombent, victimes des balles… françaises.  Certains peuvent se traîner jusqu’aux avant-postes français pour y être soignés, obligeant leurs compatriotes à cesser de tirer en direction des Allemands.

Le combat s’arrête là. Les pertes sont estimées, au total, à plusieurs centaines de tués, blessés et disparus parmi les militaires, et au moins 14 civils tués dans les bombardement. Les Allemands n’en restent pas là. Ils rentrent dans la ville, prennent d’autres otages civils qu’ils fusillent, puis mettent le feu à plus d’une centaine de maisons et bâtiments publics. Lors de la « Nuit rouge », les habitants auront interdiction de tenter d’éteindre les incendies.

Parmi les victimes figure le maire de Senlis, Eugène Odent. Comme ce fut le cas en Belgique, il est reproché aux civils d’avoir tiré sur les Allemands. Même si le maire dément, il sera jugé en quelques minutes et fusillé dans la plaine de Chamant.

plaine chamant senlis

Le 350e régiment d’infanterie qui avait bien résisté, se retire finalement du secteur, à la fois pour répondre aux ordres du général Joffre de limiter les combats frontaux, mais également pour éviter que des Allemands rendus furieux par une forte résistance, ne fasse subir à la population de Senlis, le sort qu’a connu, quelques jours plus tôt, celle de Dinant. La ville que Clémenceau appellera « Sentinelle avancée de Paris » mettra toutefois du temps à panser ses plaies et à réparer les dégâts matériels et humains du 2 septembre 1914.

A quelques kilomètres de Senlis, dans la ville de Creil, les Allemands n’hésiteront pas non plus à incendier des quartiers entiers à coups de grenades incendiaires et de tubes enflammés.

Le gouvernement français quitte Paris pour s’installer à Bordeaux. Raymond Poincaré, le président de la République, prend ses quartiers chez le préfet de la Gironde ; René Viviani, président du conseil, s’installe à l’hôtel de ville de Bordeaux ; Aristide Briand, ministre de la justice, tout naturellement, au Palais de Justice, et Alexandre Millerand, ministre de la guerre, au Quartier général du 18e Corps d’armée. Les parlementaires suivent également l’Exécutif. La chambre des députés prend place à l’Alhambra et le Sénat à l’Apollo, deux des plus grandes salles de spectacles bordelaises.

bordeaux

La réserve d’or de la Banque de France a également fait le trajet entre Paris et Bordeaux.

Le mois d’août 1914 a été terrible pour l’armée française. Les pertes s’élèvent déjà à plus de 200 000 hommes hors de combat, dont au moins 85 000 tués. Il faut rapidement reconstituer les régiments décimés dans les batailles menées à l’Est et en Belgique, ou pendant la retraite.

A cet effet, un nouvel ordre de mobilisation est adopté. A cinq heures du matin, le tocsin sonne dans toutes les églises. Les hommes des dépôts qui avaient été renvoyés dans leurs foyers, et les réservistes et territoriaux jusqu’à l’âge de 48 ans qui n’étaient pas encore partis, doivent rejoindre leur Corps d’armée immédiatement. Mais surtout, le 2 septembre, marque le départ de tous les jeunes hommes de la classe 1914, ceux qui viennent d’avoir 20 ans.

Le général Joffre doit pouvoir disposer d’un maximum d’hommes en réserve pour livrer sa grande offensive sur la Marne.  Les derniers mobilisés n’auront pas le temps d’être opérationnels mais, à peine habillés et armés, ils pourront être transportés en train sur les lieux où les pertes pourront être les plus nombreuses.

Dans cet affrontement imminent entre les deux armées, presque au complet, l’Etat-major sait que, comme pendant la Bataille des Frontières, les pertes seront assurément très lourdes.

Un décret vient d’ailleurs être adopté pour procéder au recensement anticipé de la classe 1915. Eux aussi doivent se préparer à partir bientôt.

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