3 septembre 1914 : la mort s’installe partout

Alors que les régiments de l’Armée active, où les jeunes hommes effectuaient leur service militaire avant la déclaration de guerre, étaient déjà constitués et préparés, de nombreux régiments ont été créés début août 1914.

C’est le cas, par exemple, du 48e bataillon de chasseurs à pied formé à Amiens dès le 1er jour de la mobilisation. Il quitte Amiens le 12 août pour Vervins. Rattaché à la 69e Division de réserve de la 5e Armée française, il va être positionné à proximité de la frontière belge pour y livrer l’offensive en Sambre et Meuse. Le 24 août, le bataillon quitte son cantonnement de Bersillies-l’Abbaye et franchit la frontière belge. Son objectif est de défendre les ponts de Werbes-le-Château et de La Buissière. Les combats sont très violents et les Allemands, en supériorité numérique, imposent la retraite aux Chasseurs.

On retrouve ensuite le 48e BCP à Guise, le 27 août, encore pour y défendre les ponts, avant de poursuivre encore la retraite plus au Sud, quand les Allemands entrent dans la ville.

Traversant la rivière Oise, à Moy, les Chasseurs amiénois participent aux combats de Benay et Cerizy en soutien des 254e et 267e régiments. Régiments eux-aussi constitués à la mobilisation. Les Allemands, déjà fortement entraînés au combat depuis près d’un mois, dominent les Français partout. Les pertes sont nombreuses et aucun renfort ne vient compléter les effectifs.

Versigny, Anizy, Braine, Beuvardes, le 48e BCP continue sa retraite vers le Sud du département de l’Aisne jusqu’à atteindre la rivière Marne à Mont-Saint-Père.

Le 3 septembre, la mission du bataillon est à nouveau de garder les ponts et d’assurer le passage des 53e et 69e divisions. Les troupes peuvent s’engager sur les ponts dans la matinée, mais avant midi, les Allemands apparaissent plus vite qu’on ne les attendait sur les crêtes au Nord desquelles ils peuvent mitrailler les ponts. Les pertes sont nombreuses pour le bataillon de chasseurs.

La retraite des Chasseurs amiénois, dont les rangs sont maintenant clairsemés, se poursuit par Montmirail et Villiers-Saint-Georges, point le plus au Sud où le régiment descendra, avant le début de la Bataille de la Marne.

Le 3 septembre 1914, à Mont-Saint-Père, commune des bords de Marne dans le Sud du département de l’Aisne, la Somme a perdu plusieurs de ses jeunes hommes.  Edouard LEFEBVRE et Alfred BANCOURT d’Albert ; Robert JONGERYCK d’Amiens ; Raymond QUILLET de Canaples ; Virgile CRAPET, cutivateur à Cocquerel ; Léon FOUQUE, ouvrier mineur (qui s’était fait tatoué sur le bras droit : FOUQUE L 1906) de Corbie ; Gaston VACAVANT, garçon de restaurant à Bouchon et Eugène PICARD, jeune instituteur âgé de 30 ans qui avait exercé à Arrest, à Saint-Blimont, à Mers, à Belleuse, puis à Vismes-au-Val, son dernier poste.

Beaucoup de ces jeunes hommes ont été considérés comme disparus et même si certaines allocations ont été versées à leurs familles (le père de Virgile CRAPET a reçu une allocation de secours de 150 francs le 22 juin 1917), leur décès n’a été officialisé que bien longtemps après la fin de la guerre, laissant les familles dans une attente insupportable.

A l’inverse, l’avis de la mort est communiqué rapidement pour ceux qui sont morts de leurs blessures dans les hôpitaux de l’arrière, en France. Par contre, pour les blessés des combats de la fin août qui ont été « abandonnés » par les troupes françaises dans leur retraite, on ne sait rien. La plupart de ceux qui étaient mobilisables ont été emmenés comme prisonniers en Allemagne. Pour la plupart, ils y resteront jusqu’en janvier 1919, sans que les familles ne puissent avoir de leurs nouvelles.

Le 3 septembre, parmi les jeunes de la Somme qui sont morts dans un hôpital français suite aux blessures subies pendant la Bataille des Frontières, on trouve Robert BAUDRY, de Fouilloy-les-Corbie, mort à l’hôpital de Baccarat; Emile THUILLIER, tisseur à La Chaussée-Tirancourt, mort à l’hôpital de Bordeaux, ou Eugène DUMEGE, jeune menuisier de 20 ans, originaire de Dromesnil, mort à l’hôpital de Verdun. On peut également déplorer la mort d’un officier, Henri de LARDEMELLE, originaire d’Epehy, qui était capitaine au 48e régiment d’infanterie et qui est mort de ses blessures, également le 3 septembre, à l’hôpital de Versailles.

Les parents des soldats morts de leurs blessures dans les hôpitaux français de l’arrière, en ce début septembre 1914, ont la possibilité de récupérer les corps de leurs enfants pour le faire inhumer dans les cimetières communaux. Il faut financer le transport, mais c’est possible. Par contre, pour tous ceux dont le fils vient d’être tué sur un champ de bataille, ou à plus forte raison, considéré comme disparu, le corps reste sur place. Certains y resteront pour toujours. L’autorité militaire considère que le transfert des corps vers l’arrière n’est vraiment pas une priorité, d’autant que, jusqu’au début septembre, la stratégie reste celle de l’offensive et de la guerre de mouvement. Il n’y a pas de place pour les civils à proximité des champs de bataille. Les corps sont enterrés, souvent dans des fosses communes, et les précautions pour identifier ensuite les corps ne sont pas toujours prises.

La famille DUMEGE a été avisée, par le maire de Dromesnil, dès le 27 septembre 1914, de la mort du jeune Eugène, décédé le 3 septembre à l’hôpital de Verdun des suites de ses blessures, alors que pour le jeune Gaston VACAVANT, pourtant mort le même jour, mais sur le champ de bataille de Mont-Saint-Père, dans l’Aisne,  sa famille n’en a été officiellement avisée que le 11 décembre 1920.  Une famille qui a vécu pendant des mois, ou même des années, avec certainement un fol espoir de miracle…

 

Image en tête d’article : Les première croix de bois (tombe collective de soldats français à Epernay) Rol, agence photographique, Paris, 1914.Négatif sur verre, 13 x 18 cm BnF, département Estampes et photographie, EI- 13 (396)© Bibliothèque nationale de France

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