Après la reddition de la place forte de Longwy, le 26 août après-midi, la retraite de l’armée française s’accélère dans tous les secteurs, de Mons à l’Alsace, en ordre assez dispersé. Le général Joffre a rédigé, dans la nuit, une instruction fixant les grandes lignes du nouveau plan qu’il a soumis au Ministre de la Guerre. « L’échec de notre offensive dans le Luxembourg belge a eu pour conséquence de permettre à l’ennemi de disposer d’une partie des forces opérant dans cette région pour leur faire passer la Meuse en aval de Givet et lui permettre ainsi de développer son mouvement sur notre gauche. J’étudie les moyens d’arrêter ce mouvement en abandonnant le terrain nécessaire, en montant une manœuvre nouvelle qui s’opposera à la marche de l’ennemi sur la route de Paris ».
Il faut donc aller plus vite que l’armée allemande dans sa progression sur le territoire français, pour se positionner efficacement à différents endroits et l’empêcher de passer.
Combats dans la Meuse, dans les Ardennes, dans l’Aisne, dans le Nord et dans le Pas-de-Calais se succèdent. En 2 jours, plus de 20 000 Français seront mis hors de combat, dont au moins 12 000 seront tués. Contrairement aux combats en Belgique et dans l’Est qui ont été majoritairement menés par des troupes de l’armée active, c’est-à-dire des jeunes hommes qui effectuaient leur service militaire avant la déclaration de guerre, les combats des 27 et 28 août concerneront beaucoup de réservistes (entre 24 et 34 ans) et des « territoriaux » (entre 35 et 41 ans). A l’issue des journées des 27 et 28 août 1914, la guerre a déjà laissé plusieurs milliers d’enfants orphelins.
C’est dans la Meuse que les jeunes rescapés des combats de Bellefontaine et de sa région vont être confrontés aux Allemands, le 27 août. Le 2e Corps d’Armée d’Amiens va être associé, dans ce combat visant à stopper la progression de l’ennemi, dans la plaine jouxtant les villages de Cesse et de Luzy-Saint-Martin, au Corps colonial du général Lefebvre. Malgré la traversée du fleuve à effectuer, les Allemands arrivent dès le matin. Ils ont profité d’un manque de surveillance dans ce secteur pour passer la Meuse sur un pont de bateaux à Inor. Les régiments coloniaux, déjà fortement éprouvés les jours précédents, vont perdre des milliers d’hommes. Les régiments de la région d’Amiens subissent également des pertes considérables. La plupart des victimes de la Somme étaient Incorporés aux 72e, 51e, 87e RI. Le jeune Marcel Etevé, du 120e régiment d’infanterie de Péronne, originaire de Dompierre, après avoir connu l’enfer de Bellefontaine, y vivra ses derniers instants. Il avait 22 ans.
Dans les Ardennes, le 12e Corps d’Armée de la 4e armée du général Langle de Cary va être malmené. Ce corps constitué d’hommes originaires du Limousin Poitou Charentes va subir de très fortes pertes. Pour la Haute-Vienne, ce 28 août 1914 est d’ailleurs la journée la plus meurtrière de toute la guerre…
Le soir du 28 août, à Raucourt (Ardennes), il manque à l’appel 21 officiers, 48 sous-officiers et 835 hommes de rang au 78e RI, de Limoges et Guéret (voir photo en-tête). Dans l’Aisne, c’est la 5e armée qui doit agir pour stopper l’avancée allemande, mais aussi empêcher tout mouvement ennemi vers les troupes britanniques qui commencent seulement à gonfler considérablement les rangs avec des volontaires fraîchement débarqués sur les ports français. A Guise, les 28e et 228e régiments d’infanterie déploreront plus de 1 000 morts le soir du 28 août.
(Carte envoyée par Alfred Dolques à son père, après la bataille de Guise)
Dans le Pas-de-Calais, à proximité de la Somme, à Rocquigny et au Transloy, les régiments de Limoges (263e RI) et Magnac-Laval (338e RI) sont décimés.
Les exemples se multiplient et si, par endroit, la progression allemande est arrêtée ou ralentie, les Français continuent leur retrait.
Il est peu vraisemblable que Joffre espère vraiment arrêter les Allemands en marche vers Paris, par des combats disséminés et sans lien entre eux. L’avancée des troupes ennemies est beaucoup trop rapide pour que les Français puissent se préparer correctement. Beaucoup de territoriaux, mobilisés le 2 août, viennent à peine de quitter les casernes et ils ne sont pas tous opérationnels.
Joffre veut ralentir la progression et permettre aux armées françaises et britanniques de se regrouper pour stopper l’avancée allemande, avant Paris. Pour ça, il doit protéger la retraite de la petite armée britannique encore bien trop réduite en effectifs pour être efficace. Il doit également empêcher les Allemands de se diriger vers les ports. Et surtout, il doit permettre l’acheminement du matériel, des denrées et des munitions vers les troupes françaises. Les obus de 75mm commandés par l’armée française ont été envoyés en Belgique, alors que les Français n’y sont plus. Les hommes qui ont connu les combats du 22 août sont épuisés. Il faut arriver à organiser un maximum de transfert en train, mais cette organisation demande du temps. Or, les Allemands avancent très vite.
Le 27 août, le général Joffre ordonne au général d’Amade, de diriger les 2 divisions territoriales de réserve d’Arras vers Abbeville et Amiens
« Je désire que vous organisiez, sur la Somme, une position solide de barrage, depuis Corbie jusqu’à la mer. En aval de Longpré, s’il vous paraissait difficile d’assurer la garde de tous les points de passage, je vous autorise à en limiter le nombre en faisant rompre les ponts qui vous paraitraient inutiles ou difficiles à garder. Je vous recommande de profiter des journées de répit que vous laisserez la situation pour perfectionner l’instruction des divisions territoriales qui vous sont confiées. Il est indispensable
- de faire travailler ces troupes et leurs cadres pour leur donner une certaine cohésion et augmenter leur valeur militaire
- de faire disparaitre autant que possible les cadres qui ne seraient pas à hauteur de leur mission. »
Les 307e et 308e régiments, arrivés quelques jours plus tôt à Arras, se dirigent vers Bapaume. Le 28 à l’aube, ils apprennent que les Allemands sont déjà dans la Somme et qu’ils occupent le village de Moislains. Très vite arrivés au contact d’un ennemi qui a su anticiper l’attaque, les hommes des régiments d’Angoulême et de Bergerac sont rapidement mis hors de combat. En début d’après-midi, la situation ne laisse plus aucun espoir aux Français qui procèdent à une retraite. Sans le soutien de l’artillerie de campagne positionnée à Mesnil-en-Arouaise, les régiments du Sud-Ouest auraient été totalement décimés. Les pertes sont toutefois très lourdes. Près de 3 000 Français ont été neutralisés. On compte plus de 800 morts dont 466 Charentais.
Les Allemands poursuivent leur route vers Paris.
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