Cyrille BRUYER et la classe 1916 de Bouchavesnes-Bergen

Maxime BRUYER, charpentier, déclare son fils Cyrille à la Mairie de Bouchavesnes le 6 juillet 1896.

Né en 1863 à Bouchavesnes, Maxime est le deuxième enfant d’une fratrie de dix. Jean-Baptiste(dit Servais) son père, lui apprendra le métier du bois. Marié en secondes noces le 12 août 1895 avec Solange LEGRAND, sa première épouse Marie ADAM étant décédée en 1892, deux ans après l’avoir épousée.

Il habite rue d’En Bas à Bouchavesnes.

A la fin du XIXème siècle, Bouchavesnes est un village de l’Est de la Somme, situé au Nord de Péronne, essentiellement agricole. Ce nom proviendrait du défrichage d’un bois « bou », favorable à la culture de l’avoine « avesne ». D’une superficie d’un peu plus de 1000 hectares pour une population d’environ 500 habitants, le village se dépeuple au profit des villes de Péronne, Bapaume ou Saint Quentin situées à proximité.

On y cultive des céréales et des plantes dites industrielles telles que la betterave sucrière et la pomme de terre, l’élevage y est bien représenté avec plusieurs centaines de moutons, vaches et chevaux et la mécanisation de l’agriculture est en marche. Le phosphate est extrait localement sur une cinquantaine d’hectares, il est utilisé dans l’agriculture comme engrais.

En 1906, Maxime est devenu fermier depuis le décès de son père en 1896

Maxime et Solange ont deux enfants : Cyrille et Rufine, sa jeune sœur née en 1900. Deux autres enfants sont décédés en bas âge : Cécile née en août 1897, décède en octobre ; en 1898, Servais né en septembre décède en novembre. Un garçon prénommé Emile naitra en 1907 dans la famille BRUYER.

Dès le début du conflit, le village de Bouchavesnes est aux mains des allemands et la population évacue sur l’arrière du front. Cyrille fait partie des réfugiés et habite alors à Amiens, rue Eloi Morel, quand il passe au conseil de révision.

Il sait lire et écrire, blond aux yeux bleus, il mesure 1, 62m. Déclaré bon pour le service armé, Cyrille est incorporé au 91ème Régiment d’Infanterie le 10 avril 1915, régiment caserné à Mézières (Ardennes) avant le conflit, il passe ensuite au 33ème Régiment d’Infanterie en mars 1916, régiment fort éprouvé par la bataille de Verdun et notamment autour du fort de Douaumont.

Le commandant Lagrange du 33ème Régiment d’Infanterie devant le fort de Douaumont en février 1916

Le 33ème part ensuite dans l’Aisne à l’Est de Soissons, puis il participe à la bataille de la Somme dans le secteur de Combles. Le 15 septembre 1916, Cyrille est blessé, éloigné des combats jusqu’au 3 octobre, il rejoindra alors le 33ème en Champagne où le régiment passe l’hiver avant l’offensive Nivelle au chemin des Dames à partir du 16 avril 1917.

Le 2 septembre 1917, Cyrille est cité à l’ordre du régiment alors qu’il est agent de liaison, il recevra la croix de guerre pour acte de bravoure.

Au printemps 1918, son régiment positionné au sud de la forêt de Compiègne, progresse vers l’Est en direction de Soissons. Cyrille est tué le 1er juin lors d’un violent combat, proche des villages de Chaudun et Dommiers, entre Soissons et Villers-Cotterêts, tel que l’a défini l’avis ministériel du 28 juin 1918.

Cyrille allait avoir 22 ans le 6 juillet 1918 !

Son décès sera transcrit à Amiens le 2 juillet 1919, et son nom figure sur le Monument aux Morts de la ville d’Amiens.

Cyrille sera décoré de la médaille militaire à titre posthume suivant le journal officiel du… 6 novembre 1920.

Victor ETIENNE, né le 8 juillet 1896 soit deux jours après Cyrille, est d’abord cultivateur avant d’être réfugié dans la Creuse dans le petit village de Reterre.

Incorporé au 148ème Régiment d’Infanterie le 10 avril 1915, il passe dans différents régiments d’Infanterie dont le 137ème dans lequel il sera blessé au mollet gauche par éclat d’obus à la côte du Poivre (environs de Verdun) le 20 décembre 1916.

En juillet 1917, Victor part pour l’armée d’Orient, avec le 58ème. Rentré le 24 mars 1919, il sera démobilisé le 2 septembre 1919 et se retire rue Colbert à Amiens.

En 1921, il se marie avec Suzanne CUVILLY, originaire de Hombleux, et s’y installe comme marchand de cycles dans le hameau de Bacquencourt, dépendant de la commune précitée. Victor décèdera le 6 octobre 1974 à Hombleux.

Paul HERVET est né le 23 novembre 1896 à Bouchavesnes rue Jean Clercq, ses parents Albert et Berthe s’y étaient mariés en 1893 et sont agriculteurs avec deux domestiques, la ferme est conséquente.

Réfugié à Reterre dans le Creuse, il exerce également le métier d’agriculteur.

D’abord ajourné pour faiblesse en 1915, il est déclaré bon pour le service le 7 juin 1916, incorporé le 3 septembre au 5ème Régiment d’Artillerie, il passe au 106ème Régiment d’Artillerie lourde le 28 février 1917 et part aux armées le 1er mars.

Paul est évacué malade le 7 mars et après plusieurs séjours dans différents hôpitaux il retourne aux armées en septembre. Gazé le 31 janvier 1918 dans les Vosges et de nouveau hospitalisé jusqu’au 24 avril, il est alors réformé n°1 suite aux séquelles d’intoxication. 

Il se retire à Lucy, près de Neufchâtel en Bray (Seine-Inférieure à l’époque). Marié à Cuy-Saint-Fiacre, village voisin de Lucy, le 8 novembre 1922 avec Germaine BEGARD originaire de Bouchavesnes. Ils reviendront au pays natal en 1929 et habiteront près des parents HERVET, rue de Bergen.

Paul et Germaine continueront le métier d’agriculteurs et auront quatre enfants. Paul gardera toute sa vie les séquelles des gaz de l’hiver 1918, il décèdera à Bouchavesnes-Bergen le 12 novembre 1974, le lendemain du jour anniversaire de l’armistice …  

Bouchavesnes, village libéré par les australiens en 1918, est en cendres : un riche industriel, Wallem HAAKON, originaire de Bergen(Norvège), décide d’aider à la reconstruction de ce village détruit, en particulier l’église et la mairie. Par reconnaissance, les bouchavesnois associeront le nom de cette ville norvégienne à celui de leur bourg qui deviendra Bouchavesnes-Bergen

Armand PAGNON, né le 20 janvier 1896, est le fils d’Emilien et Berthe, un couple d’ouvriers agricoles. Il est le deuxième fils des quatre garçons de la famille PAGNON. L’aîné, Georges, né en 1889 est devenu cheminot en Seine-Maritime. Valère, né onze mois après Armand n’a vécu que quelques mois et Lucien né en 1897 a été tué à Lignières-Châtelain le 24 mai 1940 lors de l’offensive allemande.

Armand, déclaré bon pour le service au Conseil de Révision alors qu’il est charretier à Ceyroux (Creuse) y étant réfugié, est incorporé au 29ème Régiment d’Artillerie le 9 avril 1915. Parti aux armées le 19 juillet 1916, il passe au 5ème Groupe d’Artillerie de Campagne d’Afrique le 1er avril 1917.

Canonnier-conducteur, il sera tué à l’ennemi le 20 juillet 1918 près de Vierzy (Aisne).

Deux citations lui seront attribuées pour ses qualités de téléphoniste, dont son action du 20 juillet qui lui coutera la vie. Une croix de guerre avec une étoile de bronze et une étoile d’argent lui ont été décernées pour sa bravoure.

Des quatre fils PAGNON, deux sont décédés par faits de guerre à 22 ans d’intervalle…      

Parmi les quatre jeunes de la classe 1916, Cyrille et Armand ont été victimes de cette guerre destructrice, ils sont inscrits sur le Monument aux Morts de Bouchavesnes-Bergen.

Ce Monument a été inauguré en 1926, le même jour que celui dédié au Maréchal Foch et financé par le norvégien Wallem Haakon. Gravement endommagé, il a dû être remplacé en 1996 par une stèle de granit.

Cliché d’Alain Choubart

Photo de droite : Didier Bourry

Danièle REMY – Lionel JOLY

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