Anicet PANIER et les cousins de Senlis-le-Sec

Senlis-le-Sec est un petit village situé au Nord-Ouest de la ville d’Albert. Il porte bien son nom aujourd’hui, car désormais il n’y a plus de cours d’eau sur le territoire : la baisse du niveau de la nappe phréatique, autrefois affleurante, a supprimé la source de l’Hallue située en amont du bourg. La rivière prend désormais sa source à 8 kms, à Vadencourt, dans le parc du château.

Senlis est un village agricole, on y cultive des céréales et des plantes fourragères pour nourrir les animaux des fermes, chevaux, vaches, moutons et porcs.

Si plus de 700 habitants vivaient à Senlis au milieu du XIXème siècle, ils ne sont plus que la moitié 50 ans plus tard. Les jeunes du village vont chercher du travail plus rémunérateur à Albert, la ville située à moins de 10 kms, aussi, la population rurale diminue.

Quelques cordonniers sont encore nombreux au village, ils fabriquent des chaussures de confection pour Amiens et Corbie.

Autour des cultivateurs et de leurs domestiques, des artisans locaux participent à la vie de Senlis : débitant, charron, menuisier, peintre, épicier…

Anicet Frédéric Nicolas, naît à Senlis-le-Sec le 8 juin 1890, il y a 135 ans !

Il est le premier enfant d’Alfred (ou Ernest) PANIER originaire du village, né en 1863, et de Idoline LEFEVRE, née à Bouzincourt en 1870, commune où ils s’étaient mariés le 21 mai 1889, Alfred était journalier agricole et Idoline ménagère.

Puis viennent agrandir la fratrie, Léontine en 1894, Maurice en 1898 et Louise en 1900. Une belle petite famille qui réside à Senlis-le-Sec !

Mais en 1902 les parents se séparent, le divorce est prononcé le 30 juillet. Idoline part à Corbie, rue Pie, avec deux de ses enfants Maurice et Louise, et y rejoint Firmin MORDAC, un cordonnier. Elle exerce la profession de bonnetière.

En 1906, à Senlis, Alfred habite avec sa fille Léontine, rue de Beaucourt, il est journalier à la ferme DANICOURT.

Dans la ruelle Jalot, Anicet est domestique de culture chez Gustave HOYEZ.

Cinq ans plus tard, Alphonsine, la mère d’Alfred née en 1828, a rejoint son fils, toujours journalier dans la même propriété, et Léontine alors âgée de 17 ans.

Anicet dit Cabotin, n’a pas quitté son emploi de domestique dans la ferme HOYEZ.

Après le Conseil de Révision passé à Acheux-en-Amiénois, le 7 octobre 1911, il est incorporé au 161ème Régiment d’Infanterie. Il mesure 1m67, a les cheveux châtains, les yeux marrons, et sait lire et écrire, grâce à l’enseignement de M. ETEVE, l’instituteur.

Son régiment est caserné au quartier Canrobert dans la ville de Saint-Mihiel (Meuse).

Mis en disponibilité le 8 novembre 1913 avec un certificat de bonne conduite, il passe dans la réserve et retrouve son métier de journalier dans son village natal.

Son retour à la vie civile ne durera que quelques mois, il est rappelé le 3 août 1914 au 128ème Régiment d’Infanterie.

Dès le 5, le régiment gagne Dun-sur-Meuse par chemin de fer et y organise la défense avant de prendre la direction de Meix-devant-Virton (Belgique) où il connait le baptême du feu le 22 août.

L’ordre de repli arrive le 25 et le 128ème va se positionner à Fontenois (Ardennes) afin de contenir l’avancée allemande, où près de 400 hommes sont mis hors de combat. Il gagne ensuite les rives de la Marne aux environs de Maurupt-le-Montois avant de poursuivre l’ennemi en direction du Nord. Puis c’est l’Argonne, le bois de la Gruerie avec des combats meurtriers entre octobre 1914 et janvier 1915.

Le régiment est relevé pendant un mois dans la région de Bar-le-Duc (Meuse), puis c’est le retour en première ligne, en Champagne : ce sont plus de 800 hommes mis hors de combat (tués, blessés ou disparus) entre le 19 février et la mi-mars 1915.

Mais les combats se poursuivent aux Eparges (Meuse), du côté de Marcheville, dans d’inextricables réseaux de barbelés où les attaques ne peuvent aboutir.

Anicet sera tué à l’ennemi le 8 avril 1915 à Riaville (Meuse), deux mois après il aurait eu 25 ans !

L’avis de son décès sera transmis à Senlis le 16 avril 1916, un an plus tard.

C’est la désolation, le premier fils PANIER est Mort pour la France, et Maurice, son frère cadet, né le 17 octobre 1898, est convoqué début 1917 au Conseil de Révision à Acheux.

Il est incorporé au 29ème Régiment d’Artillerie de Campagne le 18 avril 1917, et en juillet 1918, Maurice est nommé 1er canonnier du 9ème Régiment d’Artillerie de Campagne après être passé par d’autres régiments d’artillerie.

Il est renvoyé dans ses foyers le 30 mai 1920, et retourne chez sa mère, à Corbie rue de la Digue, elle est bonnetière chez Rondeau. Il y retrouve sa sœur Louise, bonnetière elle aussi, ainsi que l’ami d’Idoline.

Conducteur d’automobile, Maurice épouse le 17 septembre 1921, Suzanne LEROY, l’épicière de Bonnay, village où elle est née en 1899 et où ils se marient.

Le couple habite désormais Grande Rue à Bonnay, ils auront quatre enfants : Robert né en 1922, Raymond en 1924, Renée en 1925 et Roland en 1927.

Dès 1935, Maurice est ouvrier à l’usine d’aviation Potez de Méaulte.

Il décède à Aubigny en 1967, Suzanne, 11 ans plus tard à Bonnay.

Dans la famille PANIER à Senlis, le père d’Alfred prénommé Frédéric a un frère François né en 1830. En septembre 1875 François épouse Ernestine ROPIQUET en deuxième noce, ils auront huit enfants dont un fils Georges né le 28 octobre 1888. Georges est le cinquième de la fratrie, le premier, Auguste, était né en 1876 et le dernier, Adolphe, en 1890 : des cousins d’Anicet.

Georges est cordonnier quand vient l’heure du conseil de révision en 1909. Sa mère Ernestine étant décédée, il obtient l’allocation de soutien de famille.

Il est alors incorporé le 8 octobre 1909 au 8ème Bataillon de Chasseurs à Pied stationné à Amiens. En juillet 1910 il est chasseur de 1ère classe et envoyé en disponibilité le 24 septembre 1910.

Rappelé à l’activité le 1er août 1914, il rejoint son unité dès le lendemain, il est blessé le 6 septembre 1914, à la bataille de la Marne.

Une balle lui a perforé le foie occasionnant une fistule biliaire. Il est réformé le 20 août 1915. Après des mois de souffrance, il décèdera des suites de sa blessure à l’hôpital auxiliaire n°20 de Bordeaux, le 21 octobre 1918. Il ne connaîtra pas ses 30 ans …

Mariée juste avant la guerre, sa veuve recevra une allocation de 150 frs en janvier 1919.

Auguste, le frère aîné de Georges, né en 1876 est d’abord ajourné pour faiblesse, puis mobilisé au 328ème Régiment d’Infanterie dès le 12 décembre 1914. Il est évacué en mai 1915 pour fièvre typhoïde, et revient au dépôt en novembre 1915. Il retourne dans différents régiments en septembre 1916, avant de rentrer définitivement au dépôt du 51ème le 16 novembre 1918. Il sera mis en congé illimité le 17 janvier 1919 et retourne dans son dans son village natal de Senlis.

Son frère cadet Adolphe, né en 1890, comme Anicet, était menuisier puis devient charpentier au moment du conseil de révision en 1911. Incorporé au 2ème Régiment de Hussards le 2 octobre 1911 à Verdun, il est libéré en novembre 1913.

Rappelé à la mobilisation le 3 août 14, il est renvoyé provisoirement dans ses foyers le 27 août. Retourné au dépôt le 9 octobre, il part aux armées le 12 juin 1915. Etant affecté au 17ème Régiment d’Artillerie, il sera d’abord blessé au côté droit par éclat d’obus le 27 août 1916 à Dompierre-en-Santerre, puis par balle à la cuisse droite le 5 septembre 1917.

Par cette blessure, il finira la guerre à l’intérieur et retournera aux armées à partir du 17 novembre 1918 jusqu’au 13 juillet 1919.

Il sera cité à l’ordre du 17ème Régiment d’Artillerie le 20 septembre 1917 dans les termes suivants :

« Très bon conducteur, a assuré de nombreux ravitaillements dans des conditions difficiles. Blessé grièvement le 5 septembre en ravitaillant sa batterie, a conduit son attelage jusqu’à la position malgré sa blessure sous un bombardement ennemi. Ne s’est laissé évacuer qu’après avoir remis son attelage à un autre conducteur ».

Titulaire d’une pension de 10%, il se retire à Amiens en 1920 dans le quartier Saint Maurice comme ouvrier du bâtiment. C’est dans ce quartier qu’il se marie en 1920. En 1938, en raison de l’aggravation de son état de santé suite à blessure de guerre sa pension passera à 20%. Adolphe décède à Albert en 1980.

Les noms des deux cousins Anicet et Georges sont inscrits sur le Monument aux Morts et sur une plaque commémorative de l’église Saint-Martin à Senlis-le-Sec.

Danièle REMY – Lionel JOLY

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