Alphonse LAVIELLE et la classe 1915 d’Oresmaux

En cette année 1895, ils sont 28 enfants à voir le jour dans le village d’Oresmaux, village d’un millier d’habitants, situé au sud d’Amiens (16 kms) et à l’Ouest d’Ailly-sur-Noye, mais rattaché administrativement à Conty (10 kms).

L’agriculture y est prospère, les terres agricoles sont de bonne qualité pour y faire pousser toutes sortes de céréales qui occupent 60% du territoire, avec la batteuse à vapeur pour en extraire le grain qui finira au moulin à vent. On y trouve également de la betterave sucrière et une bascule dans le village, des pressoirs pour la fabrication du cidre à partir des arbres fruitiers locaux. Le 2 novembre, a toujours lieu une foire annuelle, permettant d’écouler la production locale, qui le reste de l’année se fait sur Amiens. Quelques tisserands travaillent encore le velours dit d’Utrecht, mais la population a tendance à diminuer, attirée par la capitale du département.

Ainsi Oresmaux est un village paisible, les enfants vont à l’école de Monsieur PLATEL et de son adjoint Monsieur LOURDEL, ils poursuivront plus tard les activités des parents, mais avec un bon niveau d’instruction.

Parmi les onze garçons de 1895, quatre sont décédés en bas âge. Normalement, lorsque les gars ont 20 ans, ils sont appelés au Conseil de révision, mais le conflit a tout changé, ils sont convoqués dès leurs 19 ans à Conty au printemps 1914.

Les sept gars d’Oresmaux de la classe 1915, convoqués au Conseil de Révision sont incorporés en décembre 1914 vers différents régiments :

Alphonse LAVIELLE, né le 20 avril 1895, il y a juste 130 ans !

Ses parents, Alphonse, manouvrier et Augustine BOSSARD, ménagère, deux enfants du village, s’y étaient mariés en octobre 1880. Alphonse est le dernier de la famille. Ses deux premiers frères : Placide, né en 1881, et Joseph, né en 1882 décèdent en très bas-âge. Puis viendront Gaston en 1884, Zéphir en 1889 et Marie en 1890.

En 1911, la famille habite rue Neuve. Le père ainsi que Gaston et Zéphir sont journaliers- ouvriers agricoles, Marie est ouvrière en chaussure, Augustine et Alphonse sont à la maison.

Quant Alphonse est incorporé au 87ème Régiment d’Infanterie le 18 décembre 1914, il est ouvrier agricole. C’est un grand jeune homme d’1m70, aux cheveux blonds et aux yeux bleus.

Après quelques semaines de formation, il rejoint le champ de bataille le jour de ses 20 ans. Le 87ème a combattu en Belgique, dans la Marne puis en Argonne durant l’hiver. Au printemps, c’est dans les Hauts de Meuse que le 87ème tient ses positions malgré de fortes pertes dues aux bombardements intensifs.

Le 23 juin 1915, Alphonse sera porté disparu à la Tranchée de Calonne, il venait d’avoir 20 ans. La transcription ne sera faite à Oresmaux que le 29 mars 1922.

Son frère ainé, Zéphir Albert né en 1889, est exempté en 1911 pour faiblesse et palpitations, mais les pertes du début du conflit nécessitent de nouveaux combattants. Aussi, le conseil de révision de Conty le déclare bon pour le service armé le 3 décembre 1914.

Il est d’abord affecté au 272ème Régiment d’Infanterie le 20 février 1915 puis au 17ème ,le 18 juin. Le 109ème sera son dernier régiment qu’il rejoint le 23 juin…, le jour du décès de son frère cadet Alphonse.

Le régiment est positionné à Fiefs à l’Ouest de Lens (Pas de Calais), quand il reçoit le renfort de 720 hommes. Les jours précédents, en raison de bombardements incessants, plus de 500 hommes avaient été mis hors de combat : c’est la bataille de l’Artois, une guerre de position dans le secteur de Lorette, Souchez, où sans attaques notables, les compagnies entretiennent les boyaux et les tranchées sans cesse détruites par les tirs ennemis.

Fin janvier 1916, le régiment se porte sur Saint-Riquier au Nord d’Abbeville, et revient fin février dans le secteur de Saint-Pol/Frévent (Pas-de-Calais), avant le départ pour Revigny-sur-Ornain (Meuse), le voyage est réalisé par train. Tout le régiment se trouve désormais en Meuse au 1er mars 1916, il va cantonner à la caserne Bévaux de Verdun pour se rapprocher du front.

Puis c’est en direction des forts de Douaumont et Vaux (Meuse) que se positionne le 109ème.

La journée du 8 mars, ce sont plus de 800 hommes qui sont hors de combat dont au moins 500 disparus, les bombardements, attaques et contre-attaques dans les tranchées de 1ère ligne sont meurtrières. C’est la bataille de Verdun, les blessés sont évacués sur l’arrière par chemin de fer, ainsi Zéphir, grièvement blessé aux cuisses, région frontale et main gauche, à Fleury,  est évacué sur l’hôpital n°12 de Vadelaincourt (Meuse) où il décèdera le 19 mars 1916 à l’âge de 26 ans, soit moins d’un an après son frère cadet.

Hôpital n°12 de Vadelaincourt (Pierre Machard/ECPAD/Défense)

– Lucien MACREZ (ou MACRET) né le 1er mars, est le premier de la fratrie qui habite le quartier de Longpré à Oresmaux. Il est ouvrier agricole comme son père quand il est incorporé au 1er Régiment d’Infanterie pour son instruction, puis au 126ème en avril 1915 et au 108ème en octobre 1915. 

Il sera blessé à Auberive (Haute-Marne) le 16 avril 1917 par éclats de grenades aux jambes et poignets et sera soigné à l’hôpital d’Agen (Lot et Garonne).

Après une formation à Saint-Brieuc (Côtes d’Amor), il passera au 327ème. Démobilisé le 4 octobre 1919, Lucien se retire à Oresmaux, et recevra la croix de guerre avec étoile de bronze. Au retour à la vie civile, il sera homme d’équipe au Chemin de fer du Nord à Ailly-sur-Noye.

– Léon CORNIQUET est né le 29 mai, il est ouvrier d’usine et habite rue Dondaine, quand le 18 décembre 1914 il est incorporé au 8ème Régiment d’Infanterie. Léon part aux armées le 25 mars 1915 alors que le régiment, stationné à Avize (Marne) au sud d’Epernay, vient d’arriver par voie de chemin de fer à Revigny-sur-Ornain (Meuse). Le 8 avril, il prend la direction de la tranchée de Calonne au sud de Verdun. A partir du 9, débutent les attaques qui font chaque jour des blessés, des tués, des disparus.

Léon sera tué à l’ennemi le 11 avril 1915 au combat des Eparges, moins de 6 mois après son incorporation. Il allait avoir 20 ans.

– Noé DELAPORTE est né le 31 mai, il réside avec son frère ainé Raymond et sa sœur cadette Lucia chez ses parents, rue de l’église. Il est journalier à Prouzel quand il part avec Léon CORNIQUET au 8ème Régiment d’Infanterie. Comme Léon, il est à la tranchée de Calonne dès le 9 avril, il y sera porté disparu.

Son nom figure sur le Monument aux Morts cantonal, situé à l’arrière de la chapelle de Nampty ainsi que sur celui de son village natal.

Monument aux Morts cantonal de Nampty (EXTRAIT)

– Léon TELLIER est né le 3 juin, dans le quartier de Longpré, ses parents et son frère aîné Michel sont agriculteurs. Comme ses camarades de la classe il est incorporé le 18 décembre, au 120ème Régiment d’Infanterie. Il part aux armées le 21 avril 1915 et fait partie des 227 recrues qui rejoignent le 120ème stationné au village de Fresnes-en-Woëvre (Meuse). Il va combattre aux Eparges, puis en Champagne, en 1916 c’est également autour de Verdun en avril, puis l’Oise en juin, avant la bataille de la Somme dans le Santerre, proche de chez lui. Il rentrera à Oresmaux en août 1919 avec une citation à l’ordre du régiment.

– Charles LEFEVRE, né le 24 septembre, habite en 1911 rue du Grand Hignu avec sa mère, exploitante agricole, récemment veuve, ainsi que sa petite sœur Irène née en 1903. Charles est ouvrier cimentier dans l’entreprise Trillaud de Jumel. Quand il est appelé au Conseil de Révision en 1914, il est maçon.

Incorporé au 1er Régiment d’Infanterie pour son instruction, avec Lucien MACREZ, il passe ensuite au 126ème le 27 avril 1915 comme Lucien. Mais Lucien part au 108ème en octobre, Charles l’y rejoindra en avril 1916.

Le 108ème est à Verdun, difficile de retrouver son copain, c’est la bataille qui fait rage à la ferme de Thiaumont. Fin juin, direction Craonne, où jusqu’à la mi-septembre le régiment suit une période d’instruction avec de nouvelles armes (grenade, fusil-mitrailleur et canon) au camp de Dravegny (Aisne). Au repos dans la région de Pierrefonds (Oise) jusqu’à la mi-novembre, il part alors pour l’Est de la Somme. Dès le 20 janvier, le 108ème est relevé par les britanniques. Il prend alors la direction de Beauséjour en Champagne, puis c’est l’offensive de Saint- Hilaire-le-Grand (Marne) à partir du 17 avril. Les pertes sont très importantes, la bataille fait rage.

Le 20 avril 1917, Charles n’avait pas 20 ans, il sera tué au combat. Il y a aujourd’hui 108 ans !

 – Emile LECOINTE, né le 21 décembre, a quitté Oresmaux avec ses parents. Il s’est installé comme menuisier à Vineuil-Saint-Firmin (Oise), proche de Chantilly.

Début 1914 au conseil de révision à Senlis, il est déclaré apte au service.

Il est incorporé au 132ème Régiment d’Infanterie le 18 décembre. Le régiment était caserné à Reims jusqu’au 2 septembre 1914, mais devant l’avancée allemande, il est déplacé à Guingamp (Côtes-d’Armor). Emile y effectue sa formation militaire et rejoint ensuite le front aux Eparges. Le régiment y livre bataille depuis le mois d’octobre, les pertes sont nombreuses de part et d’autre pour défendre la possession de la crête.

Emile y connait le baptême du feu dès son arrivée en mars 1915. Les bombardements sont permanents, début mai il est blessé et évacué sur l’hôpital temporaire n°5 de Verdun, situé au Grand Séminaire. C’est là qu’il décèdera de ses blessures de guerre le 5 mai 1915. Il n’avait pas encore 20 ans.

Ainsi dans le village d’Oresmaux, sur les onze enfants nés en 1895, si quatre sont décédés en bas âge, cinq ne connaîtront pas la fin des combats.

Leurs noms figurent sur le Monument aux Morts du village ainsi que sur une plaque commémorative de l’église Notre Dame.

La famille LAVIELLE a perdu deux garçons, Alphonse et Zéphir. Ce dernier repose dans le cimetière communal d’Oresmaux avec le prénom Albert.

Danièle REMY et Lionel JOLY

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Un commentaire sur « Alphonse LAVIELLE et la classe 1915 d’Oresmaux »

  1. Très beau texte. Quel gâchis de voir tous ces jeunes hommes qui, pour la plupart, n’ont pas eu le temps de fêter leurs 20 ans. Merci à vous pour les faire revivre à travers vos textes

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