Théodule Jean-Baptiste PANNELIER est né, le 20 juin 1884, à Sénarpont, petit village situé dans la vallée de la Bresle, fleuve frontalier entre le département de la Somme et la Seine-Inférieure (Seine-Maritime, aujourd’hui).
Le monde où il est arrivé était celui de la pauvreté et du labeur. Un père domestique de ferme. Une mère, ménagère. Se nourrir devait être une vraie épreuve quotidienne, et quand des petites bouches supplémentaires arrivaient, ça tournait vite au calvaire pour les parents. Théodule était le 3e enfant né de Théodule (père) et de Marie. Il y eut 5 autres naissances.
Misère, malnutrition, la mortalité infantile frappa durement la famille. Le dernier enfant, Paul, mourut à la naissance, et sa mère, Marie, le suivit dans la mort dès le lendemain. C’était le 31 décembre 1897. Théodule n’avait que 13 ans.
Il est vraisemblable que la situation devint alors catastrophique. Le père ne pouvait s’occuper des enfants survivants.
Théodule devint pupille de l’assistance publique de la Somme.
Si on ne sait pas où il a été placé, on retrouve sa trace, en tant que domestique dans une ferme des Bas-Champs du Vimeu maritime, à Lanchères. Plus exactement, dans le hameau de Wathiéhurt, à la ferme du Petit Tératu, devenue aujourd’hui la Maison de la Baie de Somme (Maison de l’Oiseau).
Il y travaillait quand vint l’heure de faire son service militaire. En raison d’une déformation de la colonne vertébrale, il ne partit par dans un régiment de combat, mais resta dans les services auxiliaires.
Puis, il revint travailler dans la même ferme, chez Etienne HOLLEVILLE, après son service militaire.
Quand la mobilisation générale fut proclamée, Théodule ne fut pas appelé. Son état de santé l’exemptait de pouvoir mener des combats. Puis, après la terrible défaite de la Bataille des Frontières, en août 1914 (25 000 Français morts en une journée, le 22 août 1914), tous les hommes en état de combattre devenaient mobilisables. Théodule, qui avait 30 ans, fut dirigé vers Landerneau pour rejoindre le 128e Régiment d’Infanterie (caserné à Abbeville, avant la guerre). Le 19 octobre 1914, il fut déclaré apte au service.
Incorporé au 320e régiment d’infanterie (régiment caserné à Péronne avant la guerre), et après quelques semaines de préparation militaire, comme beaucoup d’autres jeunes hommes de son âge, il fut envoyé au front. La blessure par balle à la jambe le 9 octobre 1915, dans la Marne, ne l’éloigna pas définitivement des combats. La guerre se poursuivit pour lui.
C’est au Bois des Caurrières, dans la Marne, que l’Etat-major perdit définitivement sa trace, le 14 septembre 1917. Il fut alors considéré comme « disparu », puis, considéré comme « Mort pour la France ».
Le jugement fut rendu le 22 novembre 1921, et communiqué à la mairie de Lanchères, le 28 décembre 1921.
Le petit domestique de ferme de Wathiéhurt, un peu déformé du dos, fut alors oublié. Il n’avait aucune famille dans le village. Peut-être que certains pensèrent qu’il serait honoré dans son village de naissance. Mais à Sénarpont, il n’y avait plus un seul PANNELLIER en 1921. A Inval-Boiron, village de naissance des parents de Théodule, il n’y avait plus non plus de PANNELLIER. Et après tout, peut-être que personne ne se posa vraiment la question. Il y avait déjà tellement de jeunes hommes du village à honorer, tellement de jeunes hommes de Lanchères morts pendant la Grande guerre. 45 hommes d’un village qui comptait un peu plus de 900 habitants avant la guerre.
Le nom de Théodule PANNELLIER ne fut pas gravé sur le monument aux morts du village. Et comme ni à Sénarpont, ni à aucun autre endroit son nom n’était inscrit, pendant plus d’un siècle, à l’occasion des cérémonies du 11 novembre, son nom ne fut jamais cité. Nulle part.
Jean-Claude MAISON, maire honoraire de Lanchères, et adhérent actif de notre association, a tenu à réparer cet oubli de plus d’un siècle.
Avec l’aide de la municipalité, il a fait poser une plaque sur le monument aux morts du village de Lanchères, précisant que PANNELLIER Théodule était bien Mort pour la France le 14 septembre 1917.
Cette plaque fut posée le 15 septembre 2017. Un siècle plus tard. Et depuis ce jour, quand l’Appel aux Morts rappelle aux habitants le sacrifice qu’on subit les familles du village, le nom de Théodule PANNELLIER n’est plus oublié. Le « Sans-famille » adopté enfin comme un fils par la commune de Lanchères.
Un grand merci à Jean-Claude MAISON pour ce travail de mémoire et pour la qualité de ses recherches.
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