Marcel  VASSEUR d’Amiens et ses copains de la rue du Moulin

A 10 heures du matin le 10 mars 1895, Florimond COZETTE, adjoint au maire d’Amiens, Frédéric PETIT, faisant fonction d’officier d’état civil de la ville, a reçu Diogène VASSEUR, un cordonnier de 23 ans demeurant au 200 Boulevard de Châteaudun. Ce dernier lui a présente son fils, Marcel Jean Baptiste Fulgence, né le 9 mars à 11 heures, au 51 rue des Cordeliers, le domicile de Angèle PETIT, sans profession et mère de l’enfant.

Les parents ont légitimé ledit enfant lors de leur mariage le 26 octobre 1895 à la mairie d’Amiens, ainsi que sa sœur Jeanne, née en 1891.

Jeanne décèdera en 1975 à Moncontour (Côtes-d’Armor)

En 1906, au 65 rue du Moulin, à Amiens, la famille VASSEUR est au complet. Le père Diogène originaire de Canaples est toujours cordonnier et son épouse Angèle est culottière, elle est née à Montigny-les-Jongleurs en 1871.

Marcel est le deuxième enfant de la fratrie, trois autres enfants viendront compléter cette famille, d’abord Clément en 1898 puis René en 1900 et Paule en 1904.

Cinq ans plus tard la famille VASSEUR habite toujours à la même adresse. Si Jeanne a quitté la maison, Madeleine, la benjamine est née en 1909.

Marcel est devenu ébéniste, son père toujours cordonnier, sa mère toujours culottière.

Marcel VASSEUR est appelé sous les drapeaux le 18 décembre 1914 au 120ème Régiment d’Infanterie, dont le casernement est désormais à Ancenis (Loire-Atlantique) depuis le début du conflit.

Parti aux armées le 15 avril 1915, après son instruction, Marcel, soldat de 2ème classe, rejoint le régiment à Watronville (Meuse) où il est positionné, puis direction Manheulles et Pintheville, toujours dans la Meuse, au Nord des Eparges. Les bombardements de tout calibre sont déversés, le secteur est un vrai marécage où il est difficile d’y faire de profondes tranchées tant l’eau est présente. 

Le régiment est souvent en 1ère ligne dans le secteur des Eparges, relayé par les 92ème Régiment d’Infanterie et 18ème Bataillon de Chasseurs à pied. Les bombardements d’obus et de torpilles sont journaliers, amenant chaque jour des tués, des blessés et des disparus. Les passages en 1ère ligne et les repos se succèdent jusqu’à la relève par le 366ème Régiment d’Infanterie le 30 septembre.

Le 120ème arrive à Somme-Suippe (Marne) le 4 octobre, après être passé par Sainte-Menehould. Au ravin de la Goutte (La Goutte étant une petite rivière, affluent de la Dormoise, elle-même affluent de l’Aisne) le 9 octobre sera sa dernière journée de combat, les pertes sont importantes : 26 tués, 128 blessés et 8 disparus : Marcel est parmi les tués.

Le nom de Marcel VASSEUR figure sur le monument aux morts d’Amiens, Place Saint-Roch.

Dans cette même rue du Moulin, formée de maisons typiques amiénoises en briques, dans le quartier Sud-Ouest, entre la rue Saint Honoré, la route de Paris, et débouchant sur le Boulevard de Châteaudun au Sud, nombreux sont les jeunes de son âge.

Ainsi au numéro 162, dans la famille DOLÉ, il y a Robert né le 25 avril 1895, garçon boucher au moment du Conseil de Révision d’Amiens Sud-Ouest de 1914. Robert est incorporé d’abord au 73ème Régiment d’Infanterie le 18 décembre, il est vite muté le 25 janvier au 163èmeRégiment d’Infanterie, positionné en Argonne. La bataille fait rage à partir du 30 juin 1915, attaque aux mines, aux liquides enflammés, c’est au cours d’une attaque que Robert est blessé grièvement. Il est évacué sur l’hôpital auxiliaire n°2 de Marseille où il décèdera le 10 juillet.

Son acte de décès sera transmis à Doullens sa ville de naissance le 11 juillet 1915.

René ALLOT est né rue des Corroyers le 1er juillet 1895, ses parents y sont épiciers. En 1911, René habite au 106 de la rue du Moulin. Suite au décès d’Emile son père, Adolphine, sa mère, a rejoint ses parents, elle est alors piqueuse de chaussures. Le grand-père maternel, Louis GRATIEN est menuisier, et son petit-fils René travaille comme compositeur chez Yvert et Tellier, une maison d’édition philatélique fondée en 1895 à Amiens.

René est typographe lorsqu’il passe au Conseil de révision dans le canton d’Amiens-Sud-Ouest en 1914. Il est incorporé le 18 décembre au 120ème Régiment d’Infanterie ; ce régiment samarien a déjà perdu plus de la moitié de ses soldats depuis le mois d’août. René est alors en campagne simple, il est en instruction à Ancenis, en Loire-Atlantique, il ne connaîtra pas le front, caril est évacué sur l’hôpital mixte d’Ancenis, pour maladie. Il y décède le 9 mars 1915.

 Son nom figure sur le Monument aux Morts d’Amiens ainsi que sur le monument commémoratif des ouvriers de l’imprimerie dans le cimetière de la Madeleine d’Amiens.

Louis BILLET est né le 14 novembre 1894 à Amiens, rue d’Agrain dans le quartier Sud-Ouest. Les parents, tous deux amiénois, s’étaient mariés en 1874, Hippolyte le père est menuisier, la mère Marie ourdisseuse.

Louis a une sœur, Charlotte, née en 1876 qui est couturière, elle a 18 ans quand naît son frère.

En 1914, il est employé de commerce et habite avec ses parents au numéro 147 de la rue du Moulin. Déclaré bon pour le service armé, il est incorporé le 18 décembre comme ses copains René ALLOT et Marcel VASSEUR dans le même régiment, le 120ème Régiment d’Infanterie.

Soldat de 2ème classe, il part aux armées le 22 juillet 1915, peut-être y croise-t-il Marcel dans les tranchées ? Mais le 10 octobre, au ravin de la Goutte, les obus de tous calibres bombardent encore et toujours sur les positions françaises. Les pertes sont de 10 tués, 15 blessés et un disparu, Louis fait partie des tués de cette journée, à quelques centaines mètres où est tombé son copain Marcel, la veille.

Il est inhumé dans la nécropole militaire La Crouée à Souain-Perthes-les-Hurlus, tombe 889A/2. Un mémorial dédié aux victimes rappelle les terribles combats de 1915.

Mémorial de la nécropole de Souain-Perthes-les-Hurlus

Trois copains qui ont grandi ensemble, dans la même rue, incorporés dans le même régiment le même jour, décédés la même année de leurs 20 ans. Ils ont désormais leur nom au même endroit…

Danièle REMY et Lionel JOLY

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