Né le 10 janvier 1892, Fernand BELENGER est le fils de Victor BELENGER et de Julie SAVARY.
Victor a épousé Julie le 20 octobre 1883 à la mairie de Pys, commune dont est originaire la jeune fille. Le couple s’installe dans la rue d’En-Bas où réside la famille SAVARY. Bernardin SAVARY, le père de Julie, est marchand de légumes, son épouse est coquetière et Alipe, le frère aîné de Julie, est berger.
Victor, né à Saint-Fuscien près d’Amiens, est maçon.
Après un premier enfant décédé à l’âge de 7 jours, cinq enfants viendront composer définitivement la fratrie : Victorin en 1885, Louis en 1887, Fernand en 1892, Marcel en 1898 et Henri en 1899. Le père de famille, Victor BELENGER, meurt au début des années 1900 laissant Julie avec ses 5 garçons mineurs.

Habiter à côté du maréchal-ferrant du village donne certainement l’envie aux garçons de la famille BELENGER de pratiquer cette activité dès leur plus jeune âge. Tous les 5, dès la fin de l’école, deviennent apprentis-maréchaux avant de s’orienter vers d’autres métiers. Fernand devient extracteur de cailloux.
Pys est une commune limitrophe du Pas-de-Calais, située dans le canton d’Albert. La population est essentiellement agricole. On cultive des céréales, de la betterave à sucre destinée aux sucreries de Miraumont et de Courcelette, de la betterave fourragère, des légumes, du colza et de l’œillette. La plupart des terres sont exploitées par des propriétaires eux-mêmes et sont très morcelées.
Si l’activité agricole est dominante, on trouve dans le village deux boulangers, un charpentier, un couvreur, un maçon, un tailleur d’habits, dix fabricants de fleurs artificielles et plusieurs débitants de boissons. Comme dans presque toutes les communes, il y a aussi un instituteur public, un curé et un garde-champêtre. Adéodat DUCROCQ dirige la classe mixte du village, l’abbé Félix CHASSAIGNE officie tous les jours dans l’église Saint-Fursy et Nestor CANDELIER, comme garde-champêtre, dans les rues du village.

Nestor CANDELIER est le père de Narcisse CANDELIER, un des meilleurs copains de Fernand BELENGER. Fernand est né en 1892 et Narcisse en 1893. Les garçons du même âge sont rares dans un village de 300 habitants. La famille CANDELIER réside dans la rue d’Irles à Pys.
Parmi la douzaine de garçons qui fréquente la classe unique et mixte de Pys, certains partagent la vie scolaire de Fernand BELENGER pendant plusieurs années : les frères MARQUANT Maurice et Edouard, les cousins LEFEBVRE André et Camille, Julien ROUSSEL et son cousin Fernand MARQUIS, Aristide POUCHAIN et bien sûr Narcisse CANDELIER.
Les MARQUANT, ROUSSEL, MARQUIS, POUCHAIN sont des familles de fermiers. Les LEFEBVRE sont ouvriers agricoles.

Narcisse CANDELIER se marie en juillet 1911 avec Eva PHILIPPE à 18 ans à peine. Quand Fernand BELENGER épouse Julia BENOIT en mars 1913. Ils ont un garçon prénommé André.
Même s’il est papa, Fernand BELENGER n’est pas exempté de remplir son devoir patriotique. Il est convoqué devant le Conseil de Révision installé en mairie d’Albert. Tous les jeunes hommes du même âge du canton y sont réunis. Fernand est jugé apte au service armé. Le 9 octobre 1912, il quitte à pied son village pour prendre un train à Miraumont en direction d’Amiens. La caserne Friant où il doit se rendre est installée dans l’avenue Foy à Amiens. Fernand est affecté au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens. La caserne Friant et le quartier Gribeauval, qui lui est mitoyen, constituent un des plus grands ensembles de bâtiments militaires de toute la région. Aristide POUCHAIN de Pys a débuté son service militaire quelques mois plus tôt au 2e Escadron du train et des équipages, caserné au quartier Gribeauval. Malheureusement, quand Fernand arrive à Amiens, Aristide est au Maroc où de graves troubles nécessitent une présence militaire venue de métropole.

Narcisse CANDELIER rejoint Fernand le 27 novembre 1913. Comme son copain Fernand, il est incorporé au 72e RI d’Amiens. De fin novembre 1913 au mois de juillet 1914, les 2 copains de Pys vivent l’expérience du service militaire dans la même caserne. Ils passent de nombreux moments ensemble.
Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Les appelés du service militaire sont les premiers à partir pour l’Est de la France. Jugés opérationnels, ils participeront aux premiers combats.
Si le 72e RI est relativement épargné pendant la Bataille des Frontières des 22 et 23 août 1914, il n’en est pas de même pendant la Bataille de la Marne du 6 au 10 septembre. Les hommes du 72e sont positionnés sur les territoires des communes de Pargny-sur-Saulx et Maurupt-le-Montois, entre Vitry-le-François et Saint-Dizier. Les pertes sont très nombreuses. « Résister jusqu’à la mort » pour empêcher les Allemands de passer, tel était l’ordre donné aux hommes. Ils ont résisté et beaucoup sont morts…

Fernand BELENGER est mort sans que l’Armée ne puisse préciser quel a été son dernier jour. Il avait 22 ans.
Narcisse CANDELIER est grièvement blessé. Il est évacué le 13 septembre vers un hôpital de l’arrière pour y être soigné. Quatre mois plus tard, considéré comme guéri, Narcisse est envoyé à nouveau au front. Narcisse CANDELIER est tué le 5 mars 1915 à Mesnil-les-Hurlus dans la Marne. Il avait 21 ans.

Après 8 mois de guerre, Eva PHILIPPE et Julia BENOIT sont veuves. André, le fils de Fernand et de Julia est devenu un orphelin de guerre. Il n’a que 2 ans.
Le malheur s’est abattu aussi sur d’autres familles du village de Pys pendant cette terrible guerre.
Maurice et Edouard, les frères MARQUANT, ont tous les deux perdus la vie. Maurice a été tué au début de la guerre, le 22 novembre 1914 au Bois de la Gruerie dans la Marne et Edouard est mort en août 1918 dans l’Oise. Ils avaient 24 et 23 ans.
Fernand MARQUIS a été tué le 25 octobre 1915 à Mesnil-les-Hurlus. Il avait 20 ans.

Son cousin, Julien ROUSSEL a échappé à la mort à plusieurs reprises. Si son affectation dans l’Artillerie l’a moins exposé que ses copains fantassins, elle ne lui a pas épargné de subir les attaques d’un ennemi tout aussi dangereux que les balles et les obus. Evacué de nombreuses fois pour maladie, Julien a survécu. Démobilisé en juillet 1919, il n’est pas revenu à Pys et s’est installé à Franvillers.
André LEFEBVRE aussi a survécu. Touché par balle à la fesse gauche en novembre 1914, la douleur ne l’a jamais abandonné, même bien longtemps après la guerre. André s’est éteint en avril 1936. Son cousin, Camille LEFEBVRE, n’est jamais parti combattre. Réformé au début de la guerre pour « asthme et emphysème généralisé », il a finalement rejoint le service auxiliaire de son régiment. La guerre s’est arrêtée mais pas la maladie. Camille est mort en janvier 1932.
Seul Aristide POUCHAIN est passé à travers les balles et à travers les maladies. Si son corps ne portait aucune trace douloureuse de ses cinq années de guerre, nul doute que sa tête et son cœur devaient en être emplis. Démobilisé en juillet 1919, Aristide a quitté définitivement la région après la guerre.

Le village de Pys situé dans les zones des combats de la Bataille de la Somme a été en grande partie détruit à l’automne 1916. Il a été cité en 1920 à l’ordre de l’Armée française comme une des communes du département de la Somme : « situées dans la zone de bataille pendant la guerre, dont les habitants ont vu leurs biens saccagés et leurs demeures anéanties. Se sont signalées par la belle énergie dont elles ont fait preuve en dépit des misères et des graves dommages qu’elles ont subis. Ont bien mérité du pays« .
Julia BENOIT, la veuve de Fernand BELENGER, a tenté de construire une nouvelle vie après la guerre. Elle a laissé le fils qu’elle avait eu avec Fernand chez son père, Aimé BENOIT, le grand-père maternel du garçon. Le vieil homme s’est chargé de l’éducation du petit orphelin. Ils ont vécu de nombreuses années ensemble. A la mort du grand-père, André BELENGER est resté seul quelques années dans la petite maison familiale de la rue du Sac. Si l’année 1940 marquait le début d’une autre guerre, elle fut aussi celle où André, l’orphelin de guerre, a rencontré l’amour. Il a épousé Rolande dans son village de Pys. Une belle histoire pouvait enfin commencer …

Le nom de Fernand BELENGER, son père, est inscrit sur le monument aux morts du village de Pys avec ceux de ses copains Narcisse CANDELIER, Fernand MARQUIS, Maurice et Edouard MARQUANT. Les noms de cinq garçons qui fréquentaient ensemble la classe d’Adéodat DUCROCQ, au début d’un siècle qui paraissait si prometteur. Ils ont entre 20 et 24 ans pour toujours.
Anick BARDET et Xavier BECQUET
Remarque : il n’a pas été possible à nos contributeurs habituels de fournir des vues du village de Pys avant la Grande Guerre. Ces images semblent très rares. Si vous disposez de cartes postales concernant le village de Pys avant 1914, merci nous contacter.
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