Né le 6 novembre 1888, Maurice BLEUET est le fils de Joseph Alexandre BLEUET et de Marie Thérèse GUILBERT.
Joseph Alexandre est originaire de Dompierre-en-Santerre et Marie Thérèse du village voisin de Becquincourt.
Joseph Alexandre a passé sa jeunesse à Dompierre où il était surnommé « Belfort ». Issu d’une famille très modeste – son père était journalier agricole – Joseph Alexandre a souscrit un engagement décennal pour l’Ecole Normale des Instituteurs d’Amiens.

Joseph Alexandre a débuté sa carrière comme instituteur adjoint à Moreuil, commune où il a épousé Marie Thérèse, une jeune femme orpheline de père et de mère. Le couple s’est installé dans le quartier du Puits. Maurice BLEUET y est né en novembre 1888.
Un changement d’affectation pour l’instituteur public qu’était devenu Joseph Alexandre a entraîné la famille à Flers-sur-Noye. Dans la petite école du village, Joseph Alexandre était l’unique instituteur. La famille résidait dans la Rue de Haut. Germain, le second enfant du couple, y est né le 31 juillet 1897.

Joseph Alexandre a ensuite exercé son métier à Lawarde-Mauger puis à Belloy-en-Santerre.
Maurice BLEUET ne souhaite pas devenir maître d’école comme son père. A 18 ans, il s’engage dans l’armée pour 3 années. Il est affecté au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens. La voie de l’Armée n’est pas non plus la sienne. Après 3 années passées dans la caserne Friant d’Amiens, Maurice est libéré le 2 mars 1910. Il ne renouvelle pas son engagement. Après 3 années, il est toujours simple soldat. Il a juste été promu… soldat de 1ère classe.
Le 26 août 1910, Maurice BLEUET se marie avec Marthe PORQUET à Saint-Léger-les-Authie d’où est originaire la jeune épouse. Le territoire de cette commune de la Somme est limitrophe de celui du département du Pas-de-Calais. L’Authie, fleuve côtier qui fixe sur une grande partie de son cours la limite entre les deux départements, coule au coeur du village de Saint-Léger.

Le mariage réunit la population du petit village qui compte une centaine d’habitants. Maurice fait la connaissance de plusieurs jeunes hommes de son âge. Parmi eux, il y a René HIDOUX et Misaël DENAIRE. Tous deux ont été jugés aptes pour partir au service militaire. Le départ est prévu un mois plus tard. Maurice BLEUET leur explique ce qui les attend. Il les rassure. Une amitié naît. A chaque retour à Saint-Léger-les-Authie pour y visiter la famille de Marthe, Maurice BLEUET ne manque jamais une occasion de passer un moment avec René et Misaël… à condition qu’ils soient en permission.
Maurice et Marthe quittent la Somme pour s’installer à Leers, dans le Nord. Trois lignes de tramway très fréquentées viennent d’être inaugurées permettant d’assurer la liaison entre Lille, Roubaix et Wattrelos, Tourcoing, Roncq. Le point de rencontre de ces trois lignes est à Leers. De nombreux voyageurs transitent par la commune. Maurice et Marthe y tiennent un hôtel.

Le 2 août 1914, Maurice BLEUET répond à l’ordre de Mobilisation générale. Il rejoint son unité à Amiens, dans les locaux de la caserne Friant où il a déjà passé 3 ans de sa vie. Le 5 août, après avoir été habillés et équipés, les hommes mobilisés quittent la capitale picarde pour rejoindre en train le département de la Meuse, près de la frontière belge. Les premières semaines de guerre sont particulièrement meurtrières pour le 72e. Maurice a eu de la chance…
Le 16 octobre 1914, Maurice BLEUET est gravement blessé par balle à la cuisse. Evacué vers l’arrière, il est éloigné du front pendant plus de six mois. De retour au combat début mai 1915, il est muté au 402e Régiment d’Infanterie. Alors qu’il était resté simple soldat en trois années de service militaire, Maurice BLEUET devient sous-officier. Il est nommé caporal en mai puis sergent en septembre 1915.

Le 29 septembre 1915, près de la Côte 139 au Sud de Sainte-Marie-à-Py, Maurice BLEUET est considéré comme disparu par l’état-major. Il faut attendre plusieurs mois pour que l’information de sa captivité soit transmise à son père. Maurice est prisonnier en Allemagne dans le camp de Munster puis dans celui de Soltau, en Basse-Saxe. Il n’est rapatrié que le 13 janvier 1919. Démobilisé en avril 1919, il se retire à Saint-Léger-les-Authie où son épouse était venue se réfugier pendant la guerre.
Maurice n’est pas en bonne santé. La captivité a laissé des traces.
A Saint-Léger-les-Authie, les deux copains ont connu des parcours très différents. René HIDOUX a été mobilisé comme employé de chemin de fer. Il n’a pas combattu. Misaël DENAY a été affecté au 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais. Il a été blessé à plusieurs reprises. Réformé définitivement en mars 1918, il n’a jamais retrouvé l’usage de sa jambe gauche.

Germain BLEUET, le frère cadet de Maurice, n’a pas été mobilisé pendant la guerre. Trop jeune pour partir en 1914, il s’est retrouvé piégé en territoire occupé par les Allemands. De nombreuses communes de l’Est du département de la Somme étaient sous la domination des troupes du Kaiser Guillaume II dès l’automne 1914 jusqu’au printemps 1917. Prisonnier civil, Germain n’a jamais pu combattre pour la France.
Incorporé au 170e Régiment d’Infanterie en mai 1919, puis pour quelques mois au 72e RI d’Amiens, Germain a retrouvé assez vite la vie civile. Employé aux chemins de fer à Amiens, il a épousé Marguerite BEAUSSART avec qui il a eu deux enfants.

Maurice et Marthe BLEUET se sont installés dans le Pas-de-Calais, à Sangatte. Ils habitaient sur la Grand Route. L’état de santé de Maurice ne lui permettait plus de travailler. Plusieurs pensionnaires occupaient leur logement. Parmi eux, il y avait deux jardiniers étrangers : l’irlandais Samuel MARSHALL et l’anglais Frank HIND qui assuraient l’entretien du cimetière britannique dans le quartier « Les Baraques » à Sangatte. Plus de 1 500 hommes y reposent pour toujours, morts pour la plupart dans les hôpitaux militaires temporaires construits le long des côtes de la Manche.

Maurice BLEUET n’a jamais pu travailler à nouveau. La guerre l’a tué à petit feu. Maurice est mort le 12 juillet 1925 à l’âge de 36 ans.
L’histoire de la guerre des BLEUET ne prend pas fin avec la mort de Maurice.

Sous-chef de la gare principale d’Amiens, Germain BLEUET a rejoint le mouvement Libération en juin 1943. Il collectait des renseignements sur les transports militaires. Il était également membre du grand réseau belge de renseignements Zéro-France. Il collectait et transmettait des données importantes sur l’implantation des sites allemands de tirs des V1 et V2. Germain BLEUET est interpellé le 8 mars 1944 en gare d’Amiens. Interrogé par la Gestapo, il est emprisonné à la Citadelle d’Amiens puis à Arras à la prison Saint-Nicaise. Le 5 avril 1944, Germain BLEUET et onze autres résistants sont condamnés à mort et fusillés dans les fossés de la citadelle d’Arras. Leurs corps seront exhumés après la fin de la guerre. Une rue d’Amiens porte aujourd’hui le nom de Germain BLEUET.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET
Bonjour, très bel article ! Comme toujours, merçi de les faire revivre !
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