Cantigny est un petit village du Santerre de 400 hectares et 150 habitants environ en cette fin de XIXe siècle. Situé à l’ouest de Montdidier, c’est surtout un village agricole. En dehors de cultivateurs et de leurs domestiques, on y trouve quelques commerçants et artisans.
Monsieur GARIN, l’instituteur, y exerce son métier devant les jeunes garçons et filles du village, qui deviendront à leurs tours des agriculteurs ou des employés dans les fermes comme leurs parents.

Le 2 mars 1894, au domicile de Camille DEGOUY, 32 ans, domestique de ferme chez Gustave PORTEMONT, cultivateur propriétaire de la rue de l’Eglise, naît Henri Charles Alfred.
La famille DEGOUY habite rue Saint Agnan à Cantigny, l’épouse Lucie DEBRAINE, âgée de 24 ans s’occupe du foyer, avec déjà deux enfants, Lucien Edouard Camille né en 1889 et Anna en 1891, une dernière fille, Elisabeth, viendra compléter la fratrie en 1900.
Les parents s’étaient mariés à Fontaine-sous-Montdidier le 22 octobre 1888, Lucie originaire de cette commune, sans profession, habitait chez ses parents au hameau de Framicourt dépendant de Fontaine-sous-Montdidier, Camille, demeurant à Cantigny, était domestique de charrue.

En 1906, dans la maison familiale, habitent également Edouard DEBRAINE, le père de Lucie et Anatole DEGOUY, le frère de Camille.
Camille, Lucien, Anna et Edouard sont domestiques agricoles chez Gustave PORTEMONT, un important agriculteur de Cantigny, Anatole exerce la même profession chez Arnold ROUSSEAUX.
En 1911, Camille est devenu agriculteur à son tour, il est aidé par ses deux fils, Lucien et Henri.
Les copains d’Henri, Georges CHEVALLIER et Ernest DUBOS, des jeunes de la classe 1914, sont également domestiques agricoles au village.
Monsieur GARIN leur avait donné les bases d’une instruction élémentaire, ils savent tous lire et écrire.

Début 1914 les quatre amis sont convoqués au conseil de révision à Montdidier :
– Georges CHEVALLIER, devenu le cordonnier du village, est incorporé au 8ème Bataillon de Chasseurs à Pied, caserné à Etain (Meuse) dès octobre 1913, ce régiment était stationné à Amiens depuis 1878.
Arrivé au corps le 4 septembre 1914, il sera évacué à deux reprises pour maladie, en février 1915 et octobre 1916, mais il rejoindra toujours son Bataillon avant de passer caporal le 11 juillet 1918.

Il sera blessé par éclat d’obus à la fesse gauche le 9 août 1918, dans la Somme à Belloy-en-Santerre, près de chez lui !
Démobilisé le 23 août 1919, il se retire à Nogent-sur-Oise, puis dans la région rémoise. Georges, cité en 1918, sera décoré de la croix de guerre avec étoile d’argent. Il décédera à Saint-Quentin en 1962.
– Ernest DUBOS, journalier agricole chez Gabriel HENIQUE cultivateur fermier, est l’ainé de 4 garçons.
Il est incorporé au 29ème Régiment d’Artillerie dans l’Aisne le 6 septembre 1914, après son instruction. Ernest rejoindra d’autres régiments jusqu’à sa mise en disponibilité en août 1919.
Marié à Huchenneville (village natal de son père prénommé aussi Ernest) en octobre 1919 avec Léa DUFAITEL, il décèdera à Mareuil-Caubert en 1934.
– Henri DEGOUY, agriculteur avec son père, est déclaré bon pour le service armé, il est appelé au 45ème Régiment d’Infanterie où il arrive le 18 décembre 1914. Il passe au 17ème Régiment d’Infanterie le 18 juin 1915 alors que le régiment se bat dans le Nord de la France.
A partir du mois de septembre, c’est la troisième bataille d’Artois en collaboration avec l’armée britannique, le but est de reprendre à l’ennemi le centre minier autour de Lens.

Lors de l’offensive de Souchez, au Nord d’Arras, Henri sera tué à l’ennemi le 11 octobre 1915.
Il avait 21 ans.
La transcription a été effectuée dans son village natal le 2 janvier 1916.
Son corps a été rapatrié et inhumé dans le cimetière communal de Cantigny.
– Lucien DEGOUY, le frère aîné d’Henri, est né le 26 octobre 1889 à Fontaine-sous-Montdidier où ses parents s’étaient mariés l’année précédente.
En 1911, il est comme son frère, domestique agricole à la ferme familiale à Cantigny. Convoqué au conseil de révision, il est exempté pour faiblesse générale.
Il est rappelé au service armé le 21 décembre 1914, la guerre qui ne fait que commencer a déjà fait de trop nombreuses victimes.
Lucien est affecté au 147ème Régiment d’Infanterie comme soldat de 2ème classe le 16 février 1915. Après sa période d’instruction, il est muté au 93ème Régiment d’Infanterie le 27 avril 1915 dans le sud du Pas-de-Calais à Hébuterne, où le village a subi depuis le mois de février de nombreux bombardements.
Sa nouvelle affectation le 11 juin 1915 au 64ème Régiment d’Infanterie sera la dernière, il sera tué à l’ennemi le 25 septembre à Beauséjour, hameau de Minaucourt (Marne), village détruit et reconstruit, contrairement à Le Mesnil-lès-Hurlus, commune voisine qui, complétement anéantie ne s’est pas relevée.

Actuellement, le nom du village est « Minaucourt-le-Mesnil-lès-Hurlus », pour se souvenir de Mesnil-les-Hurlus.
Lucien repose à la nécropole de La Crouée à Souain-Perthes-les-Hurlus (Marne) : Tombe 7806.

Les deux frères de la famille DEGOUY de Cantigny ont été tués à l’ennemi, Henri dans le Pas-de-Calais et son aîné Lucien, dans la Marne, moins de trois semaines plus tard.
Henri avait 21 ans et Lucien aurait eu 26 ans en octobre 1915. Leurs noms sont inscrits sur le Monument aux Morts de Cantigny.
Les parents DEGOUY ne reviendront pas à Cantigny, leur village a été détruit, leurs deux fils sont morts à la guerre.

Le village de Cantigny a été repris par les troupes américaines au printemps 1918 : leur première victoire sur le sol français, plus de 1000 soldats américains ont été déclarés hors de combat.



Danièle REMY et Lionel JOLY
Publié par