Né le 12 avril 1893 à Démuin, Lucien THERY est le fils d’Alexandre THERY et de Julia JOURDAIN.
Alexandre THERY est originaire de Serain, commune de l’Aisne limitrophe avec le département du Nord. Il est ouvrier agricole dans la ferme d’Olga et de Sébastien JOURDAIN, rue des Allées à Démuin. Alexandre tombe amoureux de la fille des fermiers, Julia, qu’il épouse le 11 mai 1889.

Julia et Alexandre s’installent dans la rue du Moulin. Joséphine naît le 31 janvier 1890, trois ans avant Lucien, le seul garçon et dernier enfant de la petite fratrie des THERY. Sébastien JOURDAIN est devenu marchand de bois. Alexandre reste à son service. Il est bûcheron.
Joséphine, la sœur aînée de Lucien, épouse Adrien GAUIN dit Jules, le 13 novembre 1909. Elle quitte la maison familiale pour s’installer avec son mari dans la rue d’En-Bas au hameau de Courcelles. Joséphine et Jules ont une fille prénommée Amicie. Jules est ouvrier bonnetier.
A la fin de sa scolarité, Lucien THERY devient bûcheron comme son père.
Le 27 novembre 1913, Lucien part au service militaire. Le Conseil de Révision de Moreuil l’a déclaré apte. Il rejoint la caserne de Royallieu à Compiègne où a été formé le 3e Groupe de Chasseurs Cyclistes du 18e Bataillon de Chasseurs à Pied.

Le 1er octobre 1913, l’Armée française a opéré à une profonde transformation visant à mieux répondre à une éventuelle attaque allemande. Dix groupes de Chasseurs Cyclistes ont été créés. Ils sont équipés de la bicyclette pliante modèle GERARD, du nom du commandant GERARD qui en est l’inventeur. Les cyclistes assurent des missions de reconnaissance, de liaison entre les différentes unités et, en cas de combat, ils apportent un soutien à la Cavalerie.

Le 3 août 1914, la guerre est déclarée. Le 3e Groupe de Chasseurs Cyclistes du 18e BCP est envoyé dans l’Est de la France près de la frontière belge. Les troupes allemandes débutent leur invasion du territoire belge le 4 août. Les missions de reconnaissance des Chasseurs Cyclistes se multiplient jusqu’à la grande offensive du 22 août.

Les hommes du 18e BCP apportent leur aide aux fantassins dans les combats meurtriers du 22 août en Belgique puis pendant la Bataille de la Marne début septembre.
Quand la guerre s’enterre dans les tranchées d’Argonne, dès la mi-septembre, les missions des cyclistes évoluent. A l’exception du service de liaison, leur rôle se réduit à celui de fantassin ou de terrassier. En novembre 1914, dans le secteur de Four-de-Paris entre Lachalade et Vienne-le-Château, Lucien THERY est blessé. Après plusieurs mois d’hospitalisation, il revient au front. Il est affecté au 4e Groupe Cycliste du 19e Bataillon de Chasseurs à Pied.

A partir du printemps 1915, le 19e BCP combat pendant plusieurs mois près de Verdun dans le secteur des Eparges. A l’été 1916, il est dans la Somme près de Bouchavesnes. Le 16 décembre 1916, Lucien est évacué pour bronchite chronique. Il est transféré vers l’hôpital n°50 du château de Saumur. La maladie pulmonaire est sérieuse, peut-être aggravée par une intoxication au gaz pendant les combats.

En avril 1917, les médecins militaires de la Commission de Tours réforment définitivement Lucien THERY. La guerre est finie pour lui. Il est renvoyé dans ses foyers.
Lucien rentre à Démuin où il retrouve son père, sa mère, sa sœur Joséphine et sa nièce Amicie.
Quelques mois plus tard, en mars 1918, le village de Démuin est évacué. Les Allemands ont lancé l’opération Michael. Lancées en direction de Paris, les troupes allemandes sont à proximité d’Amiens. Le village de Démuin est sur leur passage…

Lucien et sa famille se réfugient à Fossé, dans le Loir-et-Cher où ils restent pendant sept mois. Ils y retrouvent le frère de Julia, l’oncle Eugène, qui exerçait le métier de maréchal-ferrant. C’est dans le village de Fossé que Lucien fait la connaissance d’Yvonne BARBIER. Elle est femme de chambre.

En octobre 1918, de retour dans la Somme, les THERY sont hébergés provisoirement par Eugène JOURDAIN à Sains-en-Amiénois. A Démuin, la maison des parents, rue du Moulin et celle de Joséphine au hameau de Courcelles sont en ruines.

La guerre a eu raison de la bonne santé du jeune Lucien. Il ne peut plus exercer sa profession de bûcheron. Dès novembre 1918, Lucien THERY se lance dans la vente de poussettes et de vélos d’occasion. Il épouse Yvonne BARBIER
Lucien a survécu à la Grande Guerre tout comme Jules GAUIN, son beau-frère, le mari de Joséphine. Mais la mort a frappé la famille GAUIN. Jules a perdu son frère aîné, Alfred, tué le 8 octobre 1914 à Foncquevillers dans le Pas-de-Calais.

En 1920, Lucien et Yvonne THERY s’installent au 18 rue Pellieux à Ailly-sur-Noye. Lucien y reprend son commerce de vélos d’occasion sous le nom de THERY-BARBIER. L’affaire prospérant, Lucien vend également des vélos neufs puis des motocyclettes.

En 1921, il organise une course cycliste de 68 km avec l’aide de la société sportive La Fraternelle. Cette course aura lieu plusieurs années, portant ensuite le nom de Grand Prix Théry.

En décembre 1923, après deux grossesses malheureuses, Yvonne s’éteint. Lucien se remarie l’année suivante avec Madeleine OLIVIER, originaire d’Eperlecques dans le Pas-de-Calais. Les deux premières années, elle lui donne deux garçons, Pierre, né en 1925 et Serge né en 1926. Après le décès d’Yvonne, le garage est rebaptisé Lucien Théry.

A la sortie d’Ailly-sur-Noye, route de Moreuil, Lucien fait construire un plus grand garage muni d’une pompe à essence. Une maison attenante héberge d’abord Henri MINOTTE, un de ses employés, avant d’accueillir plusieurs membres de la famille THERY dont les parents, Alexandre et Julia, et la sœur Joséphine.

En mars 1927, l’entreprise est mise en liquidation judiciaire par le Tribunal Civil d’Amiens, les biens mobiliers de la famille sont mis aux enchères publiques et les ouvriers sont licenciés. Lucien et Madeleine décident alors de quitter la Somme avec leurs deux fils, pour gagner l’agglomération de Dunkerque, dans le Nord.
La famille THERY s’installe dans la rue Jean-Jacques Rousseau à Saint-Pol-sur-Mer. En 1928, Madeleine donne naissance à Lucien. Les premières années dans le Nord sont rythmées par des déménagements fréquents : à Rosendaël en 1929 au 154 boulevard de la République, puis au 68 bis rue du Four-à-Chaux vers 1930 et enfin à Coudekerque-Branche en 1931, au 28 rue Pierre-Curie, une habitation à bon marché (HBM) réservée aux anciens combattants. Lucien obtient en effet ce statut en même temps qu’il reçoit sa carte d’ancien combattant en 1930. Il rejoint l’association des Mutilés de Dunkerque.

Lucien exerce la profession de chauffeur de taxi.
La destruction de la raffinerie de Saint-Pol-sur-Mer le 12 mai 1940 entraîne le départ massif des habitants. La famille charge la Citroën de neuf places à traction avant. Cependant, Madeleine convainc son mari de prendre avec eux la voisine et ses filles. Atteignant alors le nombre de onze passagers, il est impossible de faire monter tout le monde en voiture. On trouve une solution en faisant partir à vélo les aînés, Pierre et Serge. Dans la voiture, les autres passagers se serrent avec leurs bagages.
C’est le début de l’exode pour la famille de Lucien. Après une étape au Carrefour de la Patte d’Oie à Saint-Gervais-la-Forêt, la famille THERY retrouve Pierre et Serge à la gare de Blois, sains et saufs. Après l’Armistice de juin 1940, les THERY s’installent à Huisseau-sur-Cosson, dans le Loir-et-Cher puis au hameau du Greffier à Vineuil.

Désormais réfugié, Lucien ne peut plus exercer sa profession de chauffeur de taxi en raison des restrictions de circulation. Il reprend alors sa profession de jeunesse, celle de bûcheron. Il travaille dans les bois du château des Grotteaux à Huisseau-sur-Cosson, pour le compte de l’entreprise DELCROIX de Blois.
En mars 1944, Pierre, le fils aîné, qui était entré dans la Résistance, est arrêté par la police allemande. Lucien tente d’obtenir sa libération en écrivant directement au directeur général de la police nationale André PARMENTIER, ancien député de Dunkerque, mais ses démarches sont vaines. Pierre est déporté en Allemagne en juin 1944, disparaissant à Neuengamme au début de l’année 1945.

À la Libération, Lucien et Madeleine se séparent. Lucien repart dans la région de Dunkerque accompagné uniquement par son fils Lulu, né en 1928. À Coudekerque-Branche, Lucien THERY fait reconstruire la maison du 28 Pierre-Curie, qui a subi réquisitions et dommages de guerre, puis il reprend sa profession de chauffeur de taxi. Lulu ne reste avec lui que jusqu’en juin 1946, avant de retourner à Blois. Guy, devenu l’aîné de la fratrie suite à la disparition de Pierre, rejoint son père dans le Nord. Il deviendra, comme lui, chauffeur de taxi.

Lucien THERY est mort le 6 janvier 1962 à l’âge de 68 ans, à Coudekerque-Branche, où il est inhumé.
Xavier BECQUET, d’après le texte écrit par Stanley THERY et F. MAHIEU (merci pour leur précieuse collaboration)
Pour toute information complémentaire sur Lucien THERY et plusieurs membres de sa famille, reportez-vous au passionnant site de la famille THERY-MAHIEU https://genealogiethery.wordpress.com/
Nous vous recommandons également le forum https://gcc14-18.forumactif.com/ pour découvrir ou approfondir vos connaissances sur les Chasseurs Cyclistes pendant la Grande Guerre (plusieurs illustrations sont extraites de ce site).
[…] Une biographie de Lucien Théry a été publiée par Xavier Becquet le 10 décembre 2023 sur le site de l’association De la Somme à Bellefontaine, qui retrace le parcours des jeunes soldats de la Première Guerre mondiale originaires de la Somme : https://somme-bellefontaine.fr/2023/12/10/ils-avaient-20-ans-en-1914-le-chasseur-cycliste/ […]
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