ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Les blessures de la Marne

Né le 7 mai 1891, Alfred PITEUX est le fils d’Alfred PITEUX et d’Anna DUBUS.

Alfred père est ouvrier agricole. Anna est couturière. Quand Alfred fils vient au monde, deux enfants sont déjà présents au foyer des PITEUX dans la Grande Rue de Terramesnil. Jeanne est née en 1886 et Georges en 1888. Deux autres garçons suivront, Félix en 1893 et Gustave en 1894.

Le décès d’Anna alors que les enfants sont encore en bas âge contraint Alfred à élever seul ses cinq enfants. La vie devient alors bien difficile.

Terramesnil est un petit village situé au Nord de la Somme, près de Doullens. Il compte moins de 500 habitants en début du XXe siècle.  Comme beaucoup d’habitants de Terramesnil, les enfants PITEUX travaillent soit dans les fermes, soit dans les filatures Saint de la commune voisine de Beauval.  Alfred et Georges sont embauchés très jeunes pour travailler dans le textile. Puis, comme leurs frères Félix et Gustave, ils enchaînent les métiers selon les besoins et les conditions salariales proposées. Ils sont terrassiers, manouvriers, domestiques de culture ou ouvriers. Le travail ne manque pas. L’industrialisation dans le secteur offre de nombreuses possibilités pour ceux qui sont courageux et n’hésitent pas à parcourir des kilomètres à pied pour aller à Beauval, à Beauquesne et même à Doullens pour chercher du travail. Les fils PITEUX sont courageux. Ils n’ont pas fréquenté longtemps les bancs de l’école de Monsieur BERNAUX et ne savent pas tous très bien lire et écrire, mais ils deviennent rapidement autonomes et commencent à quitter la maison de leur père.

Quand Alfred père décide de devenir fermier, seul Jeanne et Alfred fils sont encore présents à Terramesnil au domicile de leur père. A trois, ils se partagent les tâches agricoles et les activités de basse-cour. Alfred fils semble avoir trouvé sa voie. Dans quelques années, c’est lui qui reprendra l’exploitation familiale. Tout semble écrit d’avance…

Le 8 octobre 1912, Alfred PITEUX quitte son village pour rejoindre la grande ville. C’est à Amiens, à la caserne Friant, qu’il doit effectuer son service militaire. Il est affecté au 72e Régiment d’Infanterie.

Comme beaucoup de jeunes hommes de son âge, Alfred ne s’attend pas, à ce moment-là, à être entraîné bientôt dans l’horreur de la guerre. Au 72e R.I on trouve des jeunes venus de toute la Somme et, malgré la discipline militaire, l’ambiance est souvent agréable. La langue picarde est au cœur des relations entre tous ces hommes, issus pour beaucoup du monde rural. Picard du Doullennais, du Sud-Amiénois, du Vimeu, du Ponthieu, on se comprend facilement même si le vocabulaire ou la prononciation change parfois d’un territoire à l’autre. Comme toujours, on parle sport entre jeunes hommes de cet âge et chacun présente le sport de son village : ballon au poing, longue paume, balle au tamis, balle à la main.

Alfred bénéficie de permissions agricoles pour venir aider son père au moment de la moisson. La grande ville d’Amiens n’est éloignée que d’une vingtaine de kilomètres de Terramesnil et même si le train ne s’arrête pas dans le village, les gares de Beauquesne et Beauval ne sont situées qu’à deux et trois kilomètres.

Le 3 août 1914, l’Allemagne déclare la guerre à la France. Le 72e RI d’Alfred PITEUX se prépare à quitter la Somme pour le département de la Meuse.

Georges, le frère aîné et Félix, le cadet, sont aussi mobilisés. Gustave, le benjamin, n’a que 19 ans. Son tour viendra bientôt.

Le 5 août, le 72e R.I. quitte Amiens pour caserner à Dun-sur-Meuse, à quelques kilomètres de la frontière belge. Dans la Bataille des frontières, le 22 août 1914, les hommes du 72e RI mènent des combats à proximité de Virton, en Province de Luxembourg, avant de battre en retraite avec toute l’Armée française, et se replier jusqu’à la Marne. Les pertes du régiment n’ont pas encore été très élevées, contrairement à celles d’autres régiments de la Somme comme le 120e RI de Péronne ou le 128e RI d’Abbeville. Mais la Première Bataille de la Marne va être dévastatrice pour le régiment amiénois. Plusieurs centaines de copains y perdent la vie en cinq jours de combat.

Le 8 septembre, Alfred PITEUX est blessé au thorax et à la main droite par éclats d’obus, à Maurupt-le-Montois dans la Marne, près de Vitry-le-François.

Après une courte période de convalescence, Alfred retrouve rapidement le front. Il change à deux reprises de régiment et perd de vue la plupart des copains de service militaire. D’ailleurs, combien sont-ils encore en état de combattre ?

Alfred participe aux combats en Champagne puis au printemps 1917, il est au Chemin des Dames. En octobre 1917, il est cité pour « sa bravoure lors d’une reconnaissance réalisée face à l’ennemi ».

Alfred qui a été blessé pendant la Première Bataille de la Marne en septembre 1914 sera également blessé pendant la Deuxième Bataille de la Marne  dans le Sud de l’Aisne. Fin mai 1918, dans le Bois des Bonnes entre Villers-Cotterets et Château-Thierry, Alfred est touché par des éclats d’obus. La blessure est beaucoup plus grave que celle de Maurupt-le-Montois.

Après un mois de souffrance, Alfred PITEUX meurt de ses blessures au Lazaret de Saint-Gilles, près de Fismes, le 27 juin 1918. Il y est inhumé, bien loin de son petit village picard.

Ses frères ont survécu à la guerre. Après avoir combattu pendant près de 3 ans, Georges a été affecté aux mines de Bruay dans le Pas-de-Calais. Félix qui n’a été démobilisé qu’au printemps 1919 n’a subit aucune blessure physique. Gustave PITEUX a eu moins de chance que ses deux frères survivants. Le 13 juillet 1915, au bois Bolante dans la Meuse, un éclat d’obus lui a arraché le pouce gauche, entraînant également de nombreuses plaies aux mains, à l’oreille et au menton. Gustave a presque totalement perdu l’usage de sa main gauche. 

La vie a continué pour les PITEUX. Et si la tristesse de la perte d’un frère était bien présente, la vie devait continuer pour les rescapés de la Grande Guerre.

Jeanne PITEUX, l’unique fille de la fratrie, a épousé Achille WILBERT, un rescapé de la Grande Guerre. S’installant dans la Grande Rue, ils ont exploité une petite ferme. Jeanne est morte en 1956.

Georges PITEUX s’est marié avec Alida CAPRON de Beauquesne. Ils ont eu deux enfants, Michel et Lucienne. Georges PITEUX est revenu à Terramesnil pour y être cultivateur dans la Rue de Candas. Il y a logé son père jusqu’à ses derniers jours. Georges est mort en 1977.

Félix PITEUX est aussi revenu vivre à Terramesnil et lui aussi y est devenu cultivateur. Il a épousé Marguerite LEGOFF, une Bretonne, avec laquelle il a eu une fille prénommée Ida. Félix est mort en 1976.

Gustave PITEUX s’est marié en 1917 à Paris avec Mathilde TRUFFY. Il est le seul de la fratrie à n’être pas revenu vivre à Terramesnil. Mais si son chemin de vie l’a éloigné de son village, il n’est jamais parti bien loin. Gustave est mort en 1981 à Albert dans la Somme.

Les membres de la fratrie PITEUX de Terramesnil ont pu vieillir. Quand leur frère Alfred est mort de ses blessures de guerre au Lazaret de Saint-Gilles il n’avait que 27 ans.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

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Un commentaire sur « ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Les blessures de la Marne »

  1. Bonjour,

    ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Les blessures de la Marne – De la Somme à Bellefontaine

    Je me présente Régis PITEUX je suis le descendant de Gustave PITEUX qui était mon arrière grand père et que j’ai connu (J’avais 10 ans lorsqu’il est décédé en 1981). Je viens de lire avec grand intérêt et émotion le billet que vous avez publié concernant son frère Alfred Piteux. Auriez vous éventuellement des photos de Alfred et Gustave ou de la fatrie PITEUX à me faire parvenir…? Gustave PITEUX repose au cimetière de Thiais (94) ou il exerçait en tant que gardien après la 1ère guerre mondiale. Bien à vous

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