ILS AVAIENT 20 ANS EN 1914 – Octave VILBERT de Rubempré

Né le 18 octobre 1893, Octave VILBERT est le fils de Firmin VILBERT et de Maria DEVILLERS.

Firmin est issu d’une famille de fermiers de Rubempré. Le père de Maria est cordonnier.

Le frère de Firmin se prénomme Auguste. Les deux frères sont cultivateurs. Les familles de Firmin et d’Auguste vivent dans la même maison, Rue Notre-Dame, à Rubempré. Celle d’Auguste, côté Nord et celle de Firmin, côté Sud.

La ferme VILBERT, à l’arrière du groupe de personnes, sur la gauche

Octave est le premier et unique garçon chez les VILBERT. Une fille naît ensuite, en 1900, dans le foyer de Firmin et Maria. Elle s’appelle Octavie. L’avenir d’Octave est alors tout tracé, comme son cousin Auguste VILBERT né en 1898, seul fils d’oncle Auguste et de tante Zélia. Octave et Auguste VILBERT seront appelés, tout naturellement, à remplacer un jour leurs pères dans la ferme.

L’école l’intéresse assez peu, et les travaux à la ferme et dans les champs occupent une grande partie de son temps. Il en est de même pour ses copains du village, Arsène CHOQUET et Stéphane TAFFIN. Leurs parents n’ont pas leur propre ferme, mais l’un et l’autre travaillent très jeunes dans l’agriculture.

Les trois copains, nés à quelques semaines d’intervalle, pensent, quand l’année 1913 débute, qu’il leur reste encore presque deux ans avant de partir au service militaire. La vie se poursuit donc tranquillement, et les préoccupations tournent plus souvent autour de question de conditions climatiques ou de maladies à éviter pour le bétail, qu’autour du contexte politique international. Et pourtant, la tension est particulièrement vive entre plusieurs pays d’Europe. Dans les Balkans, la guerre territoriale a déjà tué plusieurs milliers d’hommes et de femmes. Par le jeu des alliances, la confrontation entre la Serbie et la Bulgarie peut entraîner le monde dans la guerre.

A l’été 1913 est votée la loi Barthoux. Non seulement la durée du service militaire est allongée à trois années, mais une classe d’âge supplémentaire va intégrer rapidement les rangs de l’Armée pour y suivre l’instruction militaire du service national. La classe 1913 n’attendra pas l’automne 1914 pour rejoindre les casernes. Octave VILBERT et ses copains savent alors qu’après les moissons et la récolte des betteraves à sucre, il va falloir quitter leur village.

Monsieur PILET, l’instituteur (adossé au pilier) et, à sa droite, son épouse

Le 28 novembre 1913, Octave VILBERT quitte sa famille, Rue Notre-Dame. Il retrouve, Rue des Courtieux, Stéphane TAFFIN, embrassant sa mère et ses soeurs. Et ensemble, les deux copains se dirigent vers Pierregot, le village voisin où habite maintenant  Arsène CHOQUET avec sa famille. Les 3 copains continuent alors vers Amiens, par la route de Rainneville.

Octave VILBERT est affecté au 5e Régiment de Dragons de Compiègne, Stéphane TAFFIN au 51e Régiment d’Infanterie de Beauvais et Arsène CHOQUET, le plus chanceux, rejoint le 128e Régiment d’Infanterie à Amiens.

En juillet 1914, les trois copains bénéficient d’une permission agricole. Comme beaucoup de fils de fermiers et d’ouvriers agricoles, l’Armée les autorise à préparer et effectuer les moissons. Si l’appel de 300 000  jeunes de 20 ans suite à la loi de juillet 1913 permet de renforcer considérablement les effectifs de l’Armée française en cette période de tension internationale, il a aussi vidé les campagnes d’une partie de ses forces vives. Envoyer les jeunes appelés participer aux travaux agricoles semble être une mesure d’intérêt national.

La situation devenant explosive entre l’Autriche et la Serbie, toutes les permissions sont suspendues le 26 juillet 1913.

Avant que la nouvelle ne lui parvienne, Octave est en train d’arracher les chardons encore en fleurs, du côté de Mont Travenne, dans quelques parcelles allant être bientôt moissonnées. Il pense encore à la répétition de musique de la veille, à laquelle avaient participé également Arsène et Stéphane, apprenant une nouvelle partition qu’ils pourraient revenir jouer à la fête locale, fin septembre.

L’Harmonie de Rubempré en 1913 – Octave VILBERT, au 3e rang en partant du bas, 2e à gauche, avec une casquette et son bugle entre les mains – A sa gauche Stéphane TAFFIN et Arsène CHOQUET.

En rentrant chez lui, Octave croise l’instituteur, Monsieur PILET, qui lui crie « Rentre vite chez toi, le maire t’attend ». Monsieur LOUETTE et ses parents sont en grande conversation, commentant l’avis distribué peu de temps avant par les gendarmes de Villers-Bocage.

Firmin, le père d’Octave, harnache Coquette, la jument blonde et attelle la carriole. C’est dans cette voiture que les trois copains rejoignent Amiens. Arsène CHOQUET se dirige vers la caserne Friant  et Octave VILBERT et Stéphane TAFFIN vers la Gare du Nord, d’Amiens. Nous sommes le 28 juillet 1914.

Le 5e Régiment de Dragons quitte Compiègne le 1er août 1914, par le train de 16h42, pour arriver dans la nuit dans les Ardennes, à proximité de la frontière belge.

Après l’invasion de la Belgique par les troupes allemandes, la cavalerie française est chargée de la mission de rapporter à l’état-major des renseignements sur la localisation des forces ennemies et les éventuels mouvements de troupes constatés. Le 5e Régiment de Dragons participe à ses missions, et, à chaque entrée sur le sol belge, le piège peut se refermer sur les cavaliers français. Octave entre en Belgique pour la première fois le 6 août.

Le 19 août 1914, Octave VILBERT meurt de ses blessures à Sombreffe, entre Charleroi et Namur. Accroché par des cavaliers allemands, son peloton a dû engager le combat, au sabre et à la lance, à proximité d’un pont entre Perwez et Grand-Rozière. Dix français ne se relèveront pas. Octave avait 20 ans.

Le 51e RI de Stéphane TAFFIN et le 128e RI d’Arsène CHOQUET se retrouvent, presque côte à côte, le lendemain, pour participer à l’offensive visant à repousser définitivement les Allemands du sol belge. Les deux régiments évoluent dans le secteur de Villers-la-Loue et d’Houdrigny, à proximité de Virton, dans le Sud du Luxembourg belge. Première épreuve du feu et premiers morts parmi les copains du service militaire. La guerre vient vraiment de commencer pour eux.

La défaite de l’offensive française du 22 août contraint l’Armée à engager tous les effectifs dans une retraite bien loin de la frontière belge. Plutôt que retraite, le général Joffre évoque la réorganisation et la préparation de la bataille décisive qui se déroulera dans la Marne.

Le 128e RI se retrouve à l’arrière-garde des régiments du 2e Corps d’Armée de la Région militaire d’Amiens. Le 31 août, dans les Ardennes, deux bataillons du régiment reçoivent l’ordre de se rendre dans le hameau de Fontenois et de livrer combat aux troupes allemandes qui s’en approchent. Arsène CHOQUET y est tué. Quelques hommes du 51e RI, qui se trouvaient là presque par hasard, sont également au nombre des victimes, mais pas Stéphane TAFFIN.

Stéphane TAFFIN poursuit les combats, de la Bataille de la Marne à Verdun, en passant par le bourbier de la forêt d’Argonne. En septembre 1915, il est capturé par les Allemands à Sainte-Marie-à-Py, dans la Marne. Envoyé au camp de Senna-Dülmen, il n’est rapatrié qu’après la signature de l’Armistice. Démobilisé en août 1919, il se retire à Rubempré.

Stéphane a repris son activité d’ouvrier agricole. Il s’est marié en 1920 et a eu 5 enfants. Stéphane a continué à jouer dans l’harmonie municipale.

Stéphane TAFFIN est mort à Corbie, à l’âge de 93 ans.

Il n’a jamais oublié ce jour du 28 juillet 1914. Le jour où il est parti de Rubempré, avec ses deux copains, dans la voiture tirée par Coquette. Le dernier jour où il les a vus vivants.

Les noms d’Octave VILBERT et d’Arsène CHOQUET sont les deux premiers du monument aux morts de Rubempré.

Auguste VILBERT, le cousin germain d’Octave, n’a été mobilisé qu’en 1917. Après avoir reçu une instruction militaire, avec le 154e Régiment d’Infanterie, il a participé aux combats meurtriers des derniers mois de guerre. Deux fois cités à l’ordre de son régiment, il s’est particulièrement fait remarquer par sa bravoure pendant la deuxième quinzaine du mois d’août 1918. Après la guerre, Auguste est revenu vivre à Rubempré. Il y est devenu fermier.

En 1921 Octavie, la sœur d’Octave, a épousé André JOLY, un gars du village. Quand leur fils est né en 1929, Octavie n’a pas hésité bien longtemps. Elle lui a donné le prénom d’Octave. Le prénom du grand frère qui a 20 ans pour toujours.

Octave JOLY, le neveu d’Octave VILBERT, est décédé le 14 février 2022 à Rubempré à l’âge de 92 ans.

Octave JOLY

Lionel JOLY (petit-neveu d’Octave VILBERT et fils d’Octave JOLY) et Xavier BECQUET

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Lionel JOLY a réalisé la collecte de données pour la commune de Rubempré.

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