UN JOUR, UN PARCOURS – Raymond CAROUGE de Moyenneville

Victimes de la Première Guerre mondiale – une Somme de vies brisées par 14 18.

Né le 9 décembre 1892, Raymond CAROUGE est le fils d’Alfred CAROUGE et d’Argentine DELAPORTE.

Alfred et Argentine sont natifs de Miannay, village voisin de Moyenneville. Alfred a grandi dans le hameau de Bienfay à Moyenneville où son père, charpentier de métier, est venu s’installer. Après avoir décidé de faire vie commune avec Argentine, Alfred  devient fermier dans la Rue du Journal.

Bienfay, Bouillancourt et Mesnil-Trois-Fétus sont les trois hameaux situés sur le territoire de la commune de Moyenneville. Comportant de nombreuses maisons rapprochées les unes des autres et de longues rues convergeant sur une place centrale, Bienfay est plus qu’un hameau. On y trouve une boulangerie, une épicerie-débit de boisson, une boucherie. Si les messes ne sont plus célébrées dans l’ancienne église, l’école située sur la place du hameau est toujours utilisée. C’est dans cet établissement scolaire public que Raymond CAROUGE suit sa scolarité.

Les garçons n’y sont pas très nombreux. Raymond CAROUGE va à l’école à Bienfay avec Léon SANNIER, Spérat AUVY et Louis FRANCOIS, garçons nés comme lui dans le hameau et qui ont le même âge.

Léon SANNIER réside Rue d’Abbeville. Son père travaille dans une fabrique à Moyenneville.

Spérat AUVY est un cousin de Raymond CAROUGE. Sa famille habite sur la Place de Bienfay. Son père est journalier agricole.

Louis FRANCOIS vit Rue de Moyenneville, avec sa mère prénommée Zélie, ses deux sœurs et son jeune frère. Zélie est journalière agricole.

Raymond est le seul garçon de la fratrie CAROUGE. Ses sœurs se prénomment Hortensia, Alice, Hélène et Charlotte.

L’année de ses vingt ans, Raymond CAROUGE est convoqué, avec Spérat AUVY, devant le Conseil de Révision du chef-lieu de la commune. Le copain Léon SANNIER a déjà débuté son service militaire depuis plusieurs mois. Raymond est jugé apte au service armé, tout comme son cousin Spérat. Raymond est affecté au 120e Régiment d’Infanterie de Péronne et Spérat au 5e Régiment de Génie. Si Raymond travaillait à la ferme avec son père, Spérat avait choisi le métier de terrassier, métier qui devait assez logiquement l’emmener vers le Génie. Le 5e Régiment de Génie est une unité spécialisée dans la construction et l’entretien des voies ferrées.

Louis FRANCOIS, le plus jeune des quatre copains, débute son service militaire fin novembre 1913.

Incorporé le 9 octobre 1913, Raymond CAROUGE ne rejoint pas la ville de Péronne. Le 120e RI vient de quitter la caserne Foy pour la caserne Chanzy de Stenay dans la Meuse. Le régiment est un de ceux qui ont été désignés pour renforcer la défense des frontières. La guerre semble imminente. C’est donc bien loin de Bienfay et de Moyenneville que se déroulent les premiers mois de service militaire du seul et unique fils des CAROUGE.

Moins de trois semaines après le début de la guerre, Raymond connaît l’horreur. Le 22 août 1914, son régiment est décimé dans la plaine du Radan à Bellefontaine en Belgique. Si Moyenneville est provisoirement épargnée,  les villages situés autour du territoire de la commune sont durement touchés par des morts brutales. Mareuil-Caubert perd Fernand CREPIN. Yonval perd Henri DARAN, jeune homme de l’Assistance publique de la Seine qui a grandi dans le hameau.  A Toeufles, c’est Julien FLICOT qui disparaît. Originaires d’Huchenneville, village de 700 habitants, ils sont trois à perdre la vie le 22 août, Raphaël DARAGON, Alphonse DERAY et Henri EMMANUEL. Ces jeunes effectuaient leur service militaire avec Raymond CAROUGE depuis plus de neuf mois. Habitant le même canton, des liens s’étaient tissés facilement. Tous n’étaient pas amis, mais tous se connaissaient bien.

Malgré le traumatisme, la guerre continue pour les rescapés du 120e RI. Quelques jours plus tard, ils participent à la Bataille de la Marne dans le secteur de Sermaize-les-Bains.

Raymond CAROUGE, blessé par balle à la main gauche, est évacué. Un mois plus tard, rétabli, il retourne au front. Les visages connus sont alors beaucoup plus rares. Les morts, les blessés et les prisonniers se comptent déjà par milliers. A la mi-octobre 1914, près des deux tiers des effectifs du 120e RI sont déjà remplacés. Et la guerre sera longue. De l’Argonne à la Tranchée de Calonne, de la Somme au Chemin des Dames, la vie du soldat Raymond CAROUGE est baignée de mort, de sang, d’angoisse et quand le tonnerre de l’artillerie s’arrête provisoirement, d’une insoutenable attente dans l’enfer des tranchées.

En octobre 1917, Raymond CAROUGE est évacué pour pieds gelés. Deux mois plus tard, nouveau retour au front. La guerre n’est pas finie pour le petit gars de Bienfay.

Le 13 mai 1918, en service commandé, Raymond est blessé par un coup de pied de mulet. Une fois encore, l’évacuation sanitaire est de courte durée. Il retrouve son régiment le mois suivant.

Démobilisé le 5 août 1919, Raymond se retire dans la ferme familiale à Bienfay. Parti à 20 ans pour effectuer son service militaire, il a 26 ans quand il retrouve les siens. Comment gommer ces six années d’enfer qu’il a connues. Raymond s’en sort bien. Ni les blessures, ni les gelures aux pieds ne lui laissent de séquelles. Le corps est revenu indemne. Quant aux blessures de l’âme, aucun des rescapés ne songe même à en parler. Seules les nuits habitées de cauchemars peuvent laisser entrevoir aux proches les douleurs endurées.

Raymond CAROUGE a épousé Hélène PETIT, du village voisin de Cambron. Les deux jeunes époux se sont installés dans la Rue de Laviers, à Cambron, et Raymond y tient une petite ferme. Puis quelques années plus tard, il devient cantonnier aux Ponts et Chaussées. Deux garçons sont nés au foyer, André en 1923 et Serge en 1930. Deux garçons trop jeunes pour être mobilisés en 1939 quand l’autre guerre arrive…

Louis FRANCOIS et Spérat AUVY reviennent aussi vivants. Si Louis reste à Bienfay, Spérat, le cousin de Raymond CAROUGE, quitte la région. Malgré les blessures et les maladies contractées pendant la guerre, Spérat est lui aussi indemne physiquement. Il peut, lui aussi, construire sa vie et fonder une famille. Il trouve un emploi de mineur dans le Pas-de-Calais, département où il meurt en 1950, à 58 ans.

Léon SANNIER, lui, n’est jamais revenu de la guerre. Incorporé au 72e Régiment d’Infanterie d’Amiens, il est tué dès le début du conflit, pendant la Bataille de la Marne. Léon SANNIER est mort le 8 septembre 1914.

Raymond CAROUGE est décédé le 18 février 1961 à Cambron, à l’âge de 68 ans.

Même si Bienfay est plus qu’un hameau, il n’a jamais eu son propre monument aux morts. C’est sur celui de Moyenneville, le chef-lieu de la commune, qu’a été inscrit le nom de Léon SANNIER. Il avait 23 ans.

Lionel JOLY et Xavier BECQUET

Illustrations: commune de Moyenneville http://www.moyenneville80.fr

« De la Somme à Bellefontaine – 22 août 1914 » – recherche collaborative 1891, 1892, 1893 – Département Somme.  Jean-CLaude MAISON a réalisé la collecte de données pour la commune de Moyenneville.

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Florent-Rosa DAIRAINES de MIANNAY

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